En juin 1990, cet homme, élevé par un père alcoolique et violent, avait déjà été condamné 13 fois et était en liberté surveillée pour avoir agressé sexuellement un enfant. Lors d’une infraction conjointe au code de la route à Houston, Carl Buntion tire et tue l’agent James Irby. Condamné à mort, il a vu ce verdict annulé en 2009 par la Cour suprême du Texas, qui a jugé que la défense n’avait pas pu être correctement entendue par des jurés. Mais en 2012, il a de nouveau été condamné à mort. Dans cette affaire, les défenseurs de Carl Buntion ne cherchent pas à prouver son innocence. “Chaque jour depuis 32 ans, je regrette ce qui s’est passé”, a-t-il déclaré dans une interview à KHOU 11 cette semaine. Mais dans ce grand État conservateur du Sud, le plus exécuté des États-Unis, une personne ne peut être condamnée à mort que si un jury y trouve un danger futur pour autrui. Or, Carl Buntion, qui souffre notamment d’arthrose, de vertiges, d’hépatite et de cirrhose, “ne peut plus être dangereux”, a-t-il déclaré à ses avocats au sein du Texas Pardon and Release Board, qui statue deux jours avant la date d’exécution. Carl Buntion, qui n’a été condamné que pour trois infractions disciplinaires au cours de ses décennies de prison, est détenu à l’isolement 23 heures par jour depuis 20 ans. “Au Texas, les condamnés à mort sont placés dans une cellule minuscule avec seulement une petite fente en haut pour une fenêtre”, a déclaré à l’AFP Berke Butler, directeur du Texas Defender. “Ils ne peuvent voir que ceux qu’ils aiment, mais le verre les sépare, en parlant au téléphone”, a-t-il ajouté. Être en isolement pendant 30, 40 ou 50 ans, c’est de la “torture”, assure Burke Butler. L’année dernière, la Cour suprême des États-Unis a refusé d’annuler la condamnation de Carl Buntion, mais le juge progressiste Stephen Breyer a jugé que la durée de sa détention « remet en cause la constitutionnalité de la peine de mort ». “C’est une vraie question morale et humaine sur l’insistance du Texas à vouloir exécuter coûte que coûte, quelles que soient les circonstances”, a déclaré Raphaël Chenuil-Hazan, directeur de l’Association Ensemble pour la condamnation de la peine de mort. Au Texas, 192 hommes et six femmes attendent leur exécution. Trois ont plus de 70 ans et cinq sont là pour des crimes remontant à 40 ans. Après celle de Carl Buntion, l’exécution de Melissa Lucio, accusée d’avoir tué sa fille de 2 ans en 2007, est prévue le 27 avril. Elle a été condamnée à l’issue d’un procès controversé, soutenu par de nombreux élus démocrates et républicains, ainsi que la star de télé-réalité Kim Kardashian, qui a contribué à rendre public ce que ses défenseurs appellent une injustice judiciaire. Depuis les années 2000, le Texas a connu une réduction significative des exécutions. De 137 entre 2000 et 2004, leur nombre est tombé à 35 entre 2017 et 2021. Un total qui reste bien supérieur à celui des autres États américains. Pour Burke Butler, cette baisse s’explique par la prise de conscience, chez les procureurs, “que la peine de mort est un châtiment excessif et dur”, mais aussi par le fait que “les gens ont de meilleurs avocats”. Parce que tout le monde n’est pas égal devant la peine de mort. “Nous finissons dans le couloir de la mort parce que nous sommes pauvres et insuffisamment protégés”, déclare Burke Butler. Au Texas, 45 % des personnes en attente d’exécution sont noires, contre seulement 13 % de la population. Des inégalités et un débat moral qui dépasse largement les frontières étatiques. En Caroline du Sud, Richard Moore, qui doit être exécuté le 29 avril, a été le premier condamné à choisir entre la chaise électrique… et l’équipe exécutive. Le prisonnier a choisi la deuxième option. Cette méthode, introduite là-bas en mai 2021, existe dans trois autres États américains, bien qu’elle soit rarement utilisée.