A 39 ans, Annemiek van Vleuten est au sommet de son métier et du cyclisme mondial. Partie de Paris, la coureuse au palmarès excellent (trois Giros, deux Strade Bianche, deux Liège-Bastogne-Liège, deux Tour des Flandres, une Olympienne, une des championnes du monde) a pourtant fait profil bas malgré les 92 victoires en sa carrière. “C’est un grand pas pour moi, je suis très excité de revoir le Tour de France au calendrier, mais j’espère que les médias et les supporters garderont l’esprit ouvert et parleront des autres, pas seulement de moi.” Quand on lui a parlé du maillot jaune, affiché à quelques mètres d’elle, Van Vleuten a préféré éviter. “Je n’ai pas encore envie de le porter. Redemandez-moi quand je l’aurai (rires). C’était un rêve d’être sur le Tour à mon niveau maximum, déjà. Je suis excité et fier de voir ce tour organisé pour Mais non, je ne rêve pas jaune”. Pourtant, il l’a approuvé à l’arrivée de la 7e étape, au Markstein. On a donc pu lui poser la question. “Pour moi, au début, le maillot jaune était plutôt un truc de garçon, donc je ne m’y intéressais pas vraiment. Et puis j’ai vu Marianne Vos avec et…” Annemiek van Vleuten, vainqueur du Tour de France féminin sur franceinfo : sport Malgré son statut de super-favorite et une équipe Movistar construite pour elle, Annemiek van Vleuten affirme néanmoins avoir vécu “un petit miracle”. Malade, dans l’ombre de ses compatriotes Lorena Wiebes (Team DSM) et Marianne Vos (Jumbo-VIsma), qui portaient tour à tour le maillot jaune, la diplômée en épidémiologie a peiné, limitant la casse avec un retard de 1’28 pour fermer les Vosges. Ici, il s’est réveillé en dispersant le peloton et la compétition. “C’est quelque chose de spécial parce que je sais d’où je viens. Être malade pendant les trois premiers jours de ce Tour rend cette victoire spéciale.” Au début de la septième étape, tout le monde était au courant. La veille, le bruit courait que Van Vleuten s’était rétabli et était revenu à 100 %. L’appétit est de retour. La concurrence était sur le point de se contenter de miettes. Le matin du départ, une collègue néerlandaise l’a assurée : “Ça va détruire tout le monde au premier passage.” Elle avait raison. Au Petit Ballon, Van Vleuten s’est échappé avec Demi Vollering (SD Worx). Mais sa cadette attendra la gloire du maillot jaune. Un an et demi avant d’annoncer sa retraite fin 2023, Annemiek van Vleuten a pris la poudre d’escampette pour faire exploser sa seule rivale. Au terme d’une course mythique, achevée avec plus de trois minutes d’avance, après avoir roulé seule pendant plus de 60 kilomètres, en montagne, elle a finalement porté ce maillot jaune. “Mon style est d’attaquer et de ne pas attendre la dernière minute. J’avais fait une reconnaissance de l’étape et j’avais vu que le Petit Ballon était une montée difficile. Après six jours de ‘survivre’, je voulais faire mes meilleurs blancs », a déclaré le patron à son arrivée. En jaune à la veille de la finale de la Super Planche des Belles Filles, il a enfin pu souffler. “Il y a de la pression, bien sûr, mais je l’ai aussi eue à Tokyo [aux Jeux olympiques, en 2021], j’ai l’habitude (rires). Pour certains, inexpérimentés, cela peut être gênant. Pour moi, c’est déjà l’excitation”, prévenait-il avant même le Grand Départ. Si le Super Board des Beautiful Girls a déjà coûté la victoire à un maillot jaune au papier intact (Primoz Roglic y a perdu le Tour 2020 face à Tadej Pogacar, à la veille de l’arrivée), personne ne s’est vraiment inquiété pour l’autre reine. des Pays-Bas. Le premier vainqueur du Tour de France 2022 a l’habitude de revenir de loin. Footballeuse de longue date, elle a raccroché ses crampons en 2006 en raison de problèmes récurrents au genou. Pour se rattraper, il a eu la bonne idée de faire du vélo. Un an plus tard, elle est sacrée championne universitaire néerlandaise et vice-présidente du championnat du monde universitaire de contre-la-montre. Son développement suit la même trajectoire linéaire, explosant au début des années 2010. Très vite, Van Vleuten enchaîne les succès, devenant même numéro un mondial en 2017. Deux ans plus tard, elle confirme en s’offrant le maillot du Giro et l’arc-en-ciel, dix ans après chirurgie de l’artère fémorale. “Vleuty” est habitué au combat. Tout comme son étape vers la Super Planche des Belles Filles, caractérisée par trois changements de vélo et un long temps mis pour rattraper le leader de la course. Mais là encore tout aussi imperturbable, le maillot jaune s’est rattrapé, avant d’embarrasser une nouvelle fois la concurrence. Bouleversée, elle termine seule en tête, s’octroyant une deuxième étape en deux jours. Au sommet du monde, Annemiek van Vleuten n’évolue pas sur la même planète que le reste du peloton. Avec 94 victoires en carrière, la reine du cyclisme mondial peut désormais viser un incroyable triplé Giro-Tour de France-Vuelta. En attendant, elle pourra rentrer chez elle à Livigno, où elle a célébré son Giro comme il se doit. “Dans notre sport, on ne prend jamais le temps de fêter ses victoires. Il le faut. Après le Giro, je suis allé rouler tous les jours sur mon vélo rose pour me faire plaisir.” Annemiek van Vleuten pourra repartir, cette fois sur un vélo jaune.