Posté à 6h00
Stéphanie Bérubé La Presse
C’est le Québec qui a adopté cette mesure en 2017, en vigueur depuis le 1er août 2019. Son objectif : prévenir l’endettement. Les nouveaux contrats de carte de crédit exigent déjà un paiement minimum de 5 % au Québec. Bien qu’elle considère qu’il s’agit d’une bonne mesure et que la cible est pertinente, Julie Brissette, conseillère budgétaire à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de l’Est, estime que cela pourrait avoir un effet néfaste sur les conditions actuelles. Le fait de l’augmentation, en ce moment, avec tous les coûts qui augmentent aussi, cela pourrait être la goutte qui fait déborder le vase pour certains. Julie Brissette, conseillère budgétaire à l’ACEF de l’Est Par exemple, explique le conseiller budgétaire, un couple avec un solde de 30 000 $ sur sa carte de crédit doit maintenant payer 150 $ de plus par mois simplement en respectant le paiement minimum. Imaginons que ce couple ait un prêt hypothécaire à taux variable, ajoutons-y l’inflation. Cela peut faire toute la différence, prévient Julie Brissette. L’augmentation peut donc être difficile à absorber pour les personnes qui ont déjà du mal à gérer leur carte. “Cela pourrait entraîner une augmentation du nombre de personnes venant nous consulter ou allant consulter un administrateur”, estime le conseiller de l’ACEF de l’Est.
Petite augmentation, grande différence
L’encadrement est certainement problématique, croit aussi Sophie Désautel, praticienne autorisée en insolvabilité chez Raymond Chabot, une filiale de Raymond Chabot Grant Thornton. “Pour les gens qui ont des revenus suffisants, ça ira, ils pourront l’absorber”, assure-t-il. En revanche, avec une inflation à 8,1 % en juin, certaines personnes aux revenus moyens pourraient être prises en défaut, estime Sophie Désautel. Il faut être prudent et ne pas penser qu’il ne s’agit que de 0,5 %. Il va continuer à croître. Sophie Désautel, praticienne autorisée en insolvabilité chez Raymond Chabot Mme Désautel croit que toutes ces nouvelles financières souvent troublantes devraient inciter les gens à faire une analyse réaliste de leurs finances et à réévaluer leurs dépenses, surtout ceux qui ne l’ont jamais fait. “Il faut faire des choix entre les besoins et les désirs”, dit-il. Et surtout, sachez que ne payer que le paiement minimum sur la carte bancaire finit par coûter très cher. “Il faut calculer le coût moyen des vacances si on le met sur la carte de crédit et qu’on le paie sur 48 mois”, explique cet expert. Pour ce faire, de nombreux outils très simples sont disponibles sur Internet qui permettent de calculer les intérêts sur le solde d’une carte de crédit, selon les montants mensuels qui seront payés si le solde n’est pas payé en totalité à la date d’échéance.
Manque d’éducation
Il y a un grand manque d’éducation et plusieurs mythes entourant l’utilisation de la carte de crédit, estime pour sa part la fiscaliste Julie Brissette. Les gens pensent qu’en payant le solde minimum, ils maintiennent un bon crédit. Mais ils ne réalisent pas tout ce qu’ils paient en intérêts. Julie Brissette, planificatrice budgétaire Les dépenses mensuelles moyennes par carte de crédit des Québécois ont augmenté de 18,5 % au premier trimestre de 2022 par rapport à la même période l’an dernier, selon un rapport d’Equifax, qui estime également que le nombre de nouvelles cartes est en hausse. “Ce que nos données nous montrent, c’est que les dépenses par carte de crédit ont été exceptionnellement élevées”, a déclaré Rebecca Oakes, vice-présidente, analytique avancée, Equifax Canada. Cela est dû en partie à la reprise des activités comme les déplacements, explique-t-il. « Cependant, nous avons une situation où l’inflation est actuellement très élevée. Cela pourrait signifier qu’une partie des achats par carte de crédit est consacrée à des achats essentiels comme l’épicerie ou l’essence, car les consommateurs ne s’y rendent pas autrement. Ce comportement est très inquiétant”, déclare Mme Oakes.
De 3% à 3,5%, qu’est-ce qui change ?
Sur un solde de 3 000 $ (19,9 % d’intérêts), une personne effectuant uniquement le paiement minimum à 3 % met 17 ans et 8 mois pour rembourser la totalité de son solde et paie 3 452 $ d’intérêts. À 3,5 %, cela équivaut plutôt à 2 549 $ qui seront payés en intérêts, en ne payant que le minimum chaque mois. Et à 5 %, les intérêts payés tombent à 1 435 $, dans les mêmes conditions. Stéphanie Bérubé, La Presse