Réactions, déplacements, interviews… Suivez en direct les deux tours de l’élection présidentielle “Merci, vous me rendez heureux !” Anastasia est excitée en retour. Patricia semble toujours inquiète : le duel Macron-Le Pen s’annonce plus dur qu’il y a cinq ans. “Je ne suis pas encore soulagé, ce n’est pas encore fait”, a déclaré l’ancien électeur socialiste. Le président a déjà laissé son empreinte sur son environnement. Elle a rompu avec un ami qui voulait la persuader de voter pour Jean-Luc Mélenchon. Les deux amis ne se sont plus parlé depuis. La retraitée n’est pas vraiment représentative de la rue qu’elle habite. Cette rue commerçante du cœur de Strasbourg, à deux pas de sa célèbre cathédrale, n’avait jamais été “construite” avant les militants d’Emmanuel Macron. “A première vue, cela ne nous profite pas beaucoup”, ont-ils averti. De nombreux anciens électeurs de gauche habitent ces vieux immeubles du centre-ville. Le candidat de La France insoumise est arrivé en tête à Strasbourg dans la nuit du 10 avril, avec 35,4 % des voix, devant Emmanuel Macron (30,19 %). En 2017, c’était l’inverse : le candidat LREM (27,76 %) devançait Jean-Luc Mélenchon (24,36 %). Anastasia, militante LREM, laisse un pamphlet d’Emmanuel Macron devant une porte à Strasbourg, le 13 avril 2022. (MARGAUX DUGUET / FRANCEINFO) Du coup, les militants LREM ont repris leur bâton de pèlerin. “Nous voulons persuader ceux qui ont voté pour Melanson de voter pour Macron. Mais oui, il y a un vote pour rejeter Macron, ces électeurs de gauche se disent déçus du second tour et je peux comprendre, on revit l’histoire une seconde fois », avoue Grégory, étudiant à Sciences-Po et membre Jeune. Les gens avec Macron (JAM). Il veut dire à ces électeurs : “Certes vous n’êtes pas d’accord avec Macron, mais au contraire, il y a un candidat d’extrême droite qui va détruire tout ce qui a été fait.” Chapeau de feutre noir sur la tête, Anastasia hoche la tête par l’affirmative. “Quand on est à gauche, je ne vois pas comment on ne peut pas affronter Marin Le Pen.” Anastasia, combattante LREM chez franceinfo La jeune femme a “peur” de l’abstinence. Pourtant, selon un sondage Ipsos-Sopra Steria réalisé le 13 avril, 33 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon estiment voter pour Emmanuel Macron, contre 18 % pour Marine Le Pen. Et 49% ne s’expriment pas à ce stade. Pierre-Paul pourrait être inclus dans cette catégorie. Il a également jeté un bulletin Mélenchon au premier tour et doit maintenant faire un choix. “Ça penche plus vers Macron, sauf si c’est l’abstinence”, confie-t-il sur le pas de sa porte. Ce consultant est hésitant. “Il faut plus de mesures sociales”, dit-il. Anastasia reste perplexe : “Les mesures sociales sont très larges, de quoi voulez-vous parler ?”. L’homme passe à une autre idée : “Il doit être plus prudent avec les gens.” Anastasia sursaute : “D’accord, nous ne sommes peut-être pas le président, mais nous sommes là pour vous écouter.” Au fur et à mesure que le débat avançait, Pierre-Paul semblait pencher davantage vers le vote de Macron. Une petite victoire pour Anastasia, qui préfère “écouter” et “échanger” plutôt que “convaincre” et “dire qu’Emmanuel Macron est le meilleur”. Dans un vieil immeuble alsacien, dont le petit balcon couvert de plantes donne sur un charmant patio, des militants rencontrent Bernard et Régine, un couple de sexagénaires. Régine est peintre et son mari travaille dans la reliure et la restauration de livres. “Après 48 ans de travail, je ne dépasse pas les 3.000 euros”, glisse Bernard, qui a commencé à travailler à l’âge de 15 ans. Sans enthousiasme, ils vont “bloquer” Marin Lepen. “J’ai voté pour Melanson et je voterai pour Macron, mais ce n’est pas un vote du cœur.” Régine, peintre chez franceinfo Comme Patricia, Régine est aussi une ancienne électrice du PS. “On savait qu’Hidalgo allait faire 2%, on a voté pour Mélenchon parce qu’il avait une chance de passer et donc de prendre à gauche au second tour.” Anastasia hoche la tête par l’affirmative tandis qu’Abel, 17 ans, qui l’accompagne dans ce porte à porte, affiche un visage apathique. Elle n’est pas intimidée quand Rezin découvre pourquoi elle n’aime pas le président sortant, “tout à fait à droite”. “Ça vient certes de la gauche, mais ça a beaucoup tourné à droite. La suppression de l’ISF n’est pas possible, les petites choses non plus, comme les cinq euros de l’APL”, a-t-il dit. Anastasia tente de se remettre de cette baisse controversée des aides au logement au début de son quinquennat. “Vous savez, l’APL a été indemnisée par…”, tente-t-il. “N’essayez pas de me convaincre, je voterai pour lui, il est bien meilleur que Lepen, on se serre les pouces aussi”, enchaîne Rezin. Le sexagénaire veut aussi faire passer un message : “Vous savez, j’ai beaucoup de collègues qui ont voté pour Mélenchon et qui voteront blanc.” Des militants LREM distribuent des tracts en porte-à-porte à Strasbourg, le 13 avril 2022. (MARGAUX DUGUET / FRANCEINFO) Le danger d’un faible transfert de voix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon pour la candidature d’Emmanuel Macron au second tour, les militants LREM en sont conscients et en désespèrent. “Voter blanc ou ne pas voter équivaut à voter pour Marin Le Pen”, a déclaré Gregory. Le jeune militant tente de se rassurer : “Je vois encore des gens qui sont contents qu’Emanuel Macron soit au contact des gens. Ils trouvent qu’il est plus au contact que Marin Le Pen.” Un groupe d’amis marche dans la rue. L’un d’eux remarque les tracts et sacs à l’effigie du président sortant. « Allez, l’autre ne doit pas gagner ! encourage d’un poing levé. Un autre passant s’avance pour prendre des tracts. De quoi faire sourire les militants macronistes.