Sauf si vous êtes une frange, un artiste, une minorité. Dans ce cas, au Québec, vous pouvez écrire ou chanter ou crier les pires monstruosités et non seulement vous ne serez pas accusé, mais en plus on vous déroulera le tapis rouge. PREMIER DEGRÉ ? Un quotidien montréalais a récemment publié un portrait élogieux du duo de rappeurs dope.gng et de leur tube Brûler des condos. Intrigué, je suis allé sur YouTube le clip de ce rap soi-disant intéressant. On y voit les deux complices cagoulés, vandaliser une caméra de surveillance et s’introduire sur un chantier, asperger d’essence une chambre d’un logement et littéralement incendier des appartements. C’est très ironique : ce journal, qui a récemment publié un article dénonçant les « nuisances sonores insupportables » subies par les locataires d’appartements de luxe du centre-ville, glorifie désormais un hymne anticapitaliste et anticapitaliste. Mais regardons ensemble les paroles de cette “chanson” que je reproduis ici : “Tout ce que je veux, c’est / Des appartements qui brûlent / Des baby-boomers choquants / Des cochons qui se font détruire / Des appartements qui brûlent […] Tout le monde en Ontario / Demander du plomb dans mon verre d’eau / Je veux brûler le Québec de Legault / Shock boom / Sortez les pétards / Sniff popper ». J’ai beaucoup de questions… Qu’est-ce que le « Québec de Lego » qu’il faut à tout prix asperger d’essence et incendier ? Doit-on brûler les maisons de tous les Québécois ou seulement ceux qui ont voté démocratiquement pour le gouvernement majoritaire de François Legault lors de la dernière élection avec 37,4 % des suffrages ? Qui sont les cochons dans cette histoire : les promoteurs immobiliers, les contribuables qui ont voté pour Legault, les baby-boomers qui votent pour Legault et achètent des condos ? A moins que les cochons ne soient des policiers… Continuons notre analyse du texte. “J’emmerde la police / Crise raciste / C’est systémique / C’est une pandémie / Des cerises dans le miroir / Je sais où regarder quand je tourne mon dévolu. » Dîme! Ces deux jeunes artistes nous disent savoir viser… en direction de la police ? C’est définitivement une métaphore, une image, une figure de style, une façon de parler. “Ils veulent prendre le ‘Chlag’ d’Homa / Mettre la prise dans le coin / Passer la serpillère / Les prix sont en hausse / Mais l’argent est coincé / Videz vos poches, faut payer les flics / Ils veulent nettoyer […] Mon compte est vide / Je ne peux plus payer ton vestiaire / Tout pressé / Rien ne peut être fait mais / Tout ce que je veux, c’est / Des appartements en feu / Des boums choquants / Des cochons qui éclatent. » En écoutant la suite de l’oeuvre, j’ai compris pourquoi le duo avait été invité le 13 juin… aux Francofolies. LA NOUVELLE NORMALE Le duo de rap a parlé au HHQC plus tôt cette année de leur hit Burning Condos : « Dope.Gng exprime [sa] la haine du projet immobilier qu’il remplacera [son] restaurant montréalais préféré : La Taqueria’. C’est tout naturellement que lorsque l’on ne peut plus se procurer de tacos dans son restaurant du coin, cela donne envie de mettre le feu à la ville…