C’est l’accident de la route le plus meurtrier de France. Le 1er août 1982, un carambolage sur l’autoroute en direction sud a tué 53 personnes, dont 46 enfants, dont la plupart guidaient leurs camps d’été. Le long de “l’autoroute du soleil”, qui relie le sud-est de Paris à Lyon, puis à Marseille sur la côte méditerranéenne, un petit chemin descend jusqu’à une plaque commémorative listant les noms et âges des 53 morts. , dont sept de la même famille. 10 ans, 8, 7… Le plus jeune avait 5 ans. Des bébés et des visages souriants avaient fait la une des journaux, celui du Journal du Dimanche blasonné d’un « Atroce » en majuscules noires.

Accumulation mortelle

Dans la soirée du samedi 31 juillet au 1er août, en pleine traversée estivale, deux bus partis de Crépy-en-Valois dans l’Oise, au nord-est de Paris, ont transporté 107 enfants défavorisés qui allaient pour la plupart passer leur premier des vacances inoubliables dans une colonie savoyarde des Alpes françaises. Vers 1h40 du matin, ils atteignent un « entonnoir », sur la commune de Merceuil, non loin de Beaune : de trois voies, on passe à deux. Le chauffeur du premier car est fatigué. La nuit précédente, il avait parcouru plus de 700 km et n’avait dormi que 3 à 4 heures entre les deux. Lorsqu’un bus allemand freine devant lui, il réagit tardivement. C’est un conflit. Le choc se produit cependant à 16 km/h et ce qui aurait pu n’être qu’une histoire de draps froissés tourne au drame. Parce qu’une 2CV percute le bus français et que le deuxième bus transportant les enfants a le sandwich. Puis une autre voiture heurte le tout. Les réservoirs explosent, l’essence s’enflamme.

“C’est trop tard”

Dans le premier bus, tout le monde pourra être évacué, mais dans le second, la grande majorité des enfants mourront. “Ils se sont entassés à l’arrière du bus, car c’était la seule sortie possible. Avec le choc, la porte d’entrée a été bloquée”, a expliqué à l’AFP Philippe Rouillard, l’un des premiers pompiers sur place. “Quand nous arrivons là-bas, c’est complètement en feu. Nous savons que personne ne sortira vivant. C’est trop tard.” Les pompiers ne peuvent éteindre que les bourrages de tôle. Puis “on voit l’horreur, des tas de corps…” se souvient-il avant de ravaler ses larmes. “J’en ai fait des cauchemars pendant des années”, avoue l’un des premiers journalistes sur les lieux, le photographe de l’AFP Eric Feferberg. “Des débris calcinés, les pompiers ont extrait des restes qui n’avaient plus rien d’humain”, se souvient-il. A quelques kilomètres de là, Marie-Thérèse Meurgey, alors adjointe au maire de la ville de Beaune, a reçu les corps au funérarium. Ou plutôt “ce qui reste”, dit-il à l’AFP. “Ils les ont mis dans des petits sacs puis dans des cercueils.”

“J’avais un trou noir”

Dans la salle où les restes étaient alignés, les familles venaient voir leurs enfants. “C’était terrible. Une mère s’est évanouie. On ne savait pas quoi dire, quoi faire… Les parents étaient comme des automates, des zombies.” A Crépy-en-Valois, Marie-Andrée Martin se souvient bien de cet état de terreur. Dimanche matin, il entend parler d’un “accident grave” à la radio. Mais il y a une bonne nouvelle : Sylvie, l’aînée de 15 ans, est vivante. “C’est comme ça que j’ai su que c’était mes trois autres enfants.” Malheureusement, la mère de famille apprend peu après que Bruno, Frédéric et Florence sont décédés dans l’accident. Ils avaient 12, 11 et 9 ans. “J’avais un trou noir. J’étais dans le déni. A cette époque il n’y avait pas de cellule psychologique. C’était très compliqué”, avoue-t-il. “On était seuls”, confirme Philippe Rouillard. Le lendemain de l’accident, le sapeur-pompier professionnel reviendra à la caserne, comme si de rien n’était. « Nous fermons le rideau. Il n’a jamais participé aux cérémonies annuelles à la colonne de Merceuil. Retraité, il habite à 200 mètres mais évite le lieu pour ses promenades. “Je ne m’en approche pas.” Après ce drame, la France a pris des mesures et a donc interdit le transport des enfants par la route, notamment les jours de grands départs.