Désormais, la balle est dans le camp des autres actionnaires du réseau social, libres d’accepter ou de refuser cette offre. Pour sa part, la direction de Twitter a déclaré que son conseil d’administration “examinera attentivement l’offre pour déterminer la ligne de conduite qui, selon elle, est dans le meilleur intérêt de l’entreprise et de tous les actionnaires de Twitter”. Mais selon L’Information, il pencherait pour un avis défavorable. Hormis l’aspect financier, Elon Musk n’a pas donné de détails sur son projet de rachat, si ce n’est qu’il souhaitait retirer l’entreprise de la bourse. Dans sa déclaration à la SEC (le gendarme financier américain) il suffit d’écrire que le réseau social aux plus de 330 millions d’utilisateurs mensuels dispose de “possibilités exceptionnelles”, qu’il entend “débloquer”. OPA on Twitter: “Le fait qu’Elon Musk puisse acquérir un tel pouvoir est inquiétant”

“L’offre est trop basse”

Dès la mise sur la table de l’offre, les premiers actionnaires ont annoncé publiquement leur refus de venir, à commencer par le prince et investisseur saoudien Al-Walid ben Talal. « Je ne pense pas que la proposition d’Elon Musk (54,20 $) se rapproche de la valeur intrinsèque de Twitter, compte tenu de ses perspectives de croissance. Je suis l’un des plus gros actionnaires et le plus ancien de Twitter. Kingdom Holding Company (son fonds d’investissement, « The ndlr) et je rejette cette offre”, a-t-il écrit sur son compte Twitter. Elon doit enchérir 69 dollars par action pour gagner Twitter. » Malgré ces démentis du début, de nombreux experts estiment qu’Elon Musk finira par réussir. Dans une note consultée par l’Agence France-Presse, les analystes de Wedbush Securities prédisent que “la série twist prendra fin avec le rachat de Twitter par M. Musk”. Interrogé par La Tribune, Jean-Christophe Liaubet, analyste financier et associé de Fabernovel, a estimé que l’offre était “correcte”. “Avec cette offre, le niveau de pression sur les actionnaires est assez élevé. Le pic à 70 dollars par action, c’était il y a longtemps. [14 mois, ndlr]et il ne faut pas oublier qu’en février, l’action était à 34 dollars”. L’expert en technologie rappelle également que la situation boursière du réseau social est plutôt favorable par rapport à ses performances financières. Plus de 7 fois le chiffre d’affaires de 2021. Pour Pinterest ou Meta, ce facteur n’est que de 4″.

Twitter, une valeur hors

Pour comprendre cette discussion sur le bon prix pour Twitter, nous devons considérer les spécificités de l’entreprise. “Twitter a toujours eu une histoire boursière compliquée. C’est une entreprise unique, à part, même parmi les réseaux sociaux, qui n’a jamais fait de profit”, rappelle à La Tribune Jacques-Aurélien Marcireau, co-gérant d’Edmond. par Rothschild Asset Management. « En termes de croissance d’utilisateurs, Twitter est loin de Facebook et même de Snapchat. De plus, sa rentabilité reste à voir et l’évolution de sa gouvernance est complexe. Bref, être investisseur dans Twitter, c’est une façon de la croix, mais c’est un bien unique, connu de tous”. En raison de la place particulière du réseau social dans la société, l’analyste considère que le bonus proposé par Musk n’a “rien de pharaonique” et estime qu’il ne suffira pas à convaincre les investisseurs. “D’ailleurs, on remarque que lorsque l’offre a été rendue publique, l’action était en baisse. [en repli de -1,68% à la clôture de Wall Street, ndlr]. “Cela signifie que les gens ne croient pas à l’offre ou du moins ne croient pas que tous les actionnaires reculeront.”

Un “chevalier blanc” dans le second rideau ?

Quel que soit le résultat de l’offre publique d’achat, le conseil d’administration actuel de Twitter sera affaibli. Le milliardaire a déclaré que son offre était définitive et qu’il reconsidérerait sa position d’actionnaire de la société si sa manœuvre échouait. “Elon Musk menace donc de vendre sa participation de 9,2%, ce qui ferait chuter le titre”, a déclaré Jacques-Aurélien Marcireau. Pour l’investisseur milliardaire Mark Cuban, cette issue serait de toute façon inévitable tôt ou tard. “Sans actionnaire dominant au conseil d’administration et sans militants actionnaires clés, si l’entreprise ne se développe pas rapidement, les jours de Twitter en tant qu’entreprise indépendante sont probablement comptés”, a-t-il déclaré à Bloomberg.

Le régulateur, invité de la suite du feuilleton Twitter / Musk ?

Un autre acteur pourrait s’inviter à ce feuilleton : la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme financier américain. En début de semaine, les actionnaires de Twitter l’avaient déjà compris contre Musk parce qu’il n’avait pas respecté ses obligations lors de son entrée au capital. Mais les autorités en ont assez pour ouvrir un dossier important contre Elon Musk. “En bourse, lorsque vous dépassez la limite de 5% des actions, vous êtes obligé de déclarer vos intentions. “Soit vous vous présentez comme un actionnaire passif, qui va simplement voter et percevoir des dividendes, soit comme un actionnaire actif, il s’assoit, voire exerce une occupation hostile”, développe Jacques-Aurélien Marcireau. Avant de s’exclamer : “Non seulement Elon Musk a mis du temps à se présenter devant le régulateur, mais quand il l’a finalement fait, il s’est présenté comme un investisseur passif ! Il fait preuve d’un mépris total pour le régulateur. Un dangereux précédent”. Autant dire que le feuilleton Elon Musk vs Twitter risque de nous tenir en haleine encore un bon moment…

                                François Manen
            15 avril 2022, 18:40