Posté à 6h00
                Mathieu Perreault La Presse             

Côlon Irritable

Auteur principal de l’étude publiée en juillet dans la revue Pain, Yoram Shir du Centre universitaire de santé McGill travaille depuis douze ans sur les liens entre le microbiote, les microbes intestinaux et la fibromyalgie. “Je traite des patients depuis 30 ans, et cela me fait mal de voir que nous n’avons toujours pas d’outils de diagnostic direct et encore moins de traitements”, déclare le Dr Shear. L’idée m’est venue lorsque j’ai remarqué que de nombreuses études montraient un lien entre le microbiote et le syndrome du côlon irritable (IBS). De nombreux patients atteints de fibromyalgie souffrent également du SCI. Nous savons également que le degré de douleur de la fibromyalgie change considérablement avec le temps et que les bactéries de la microflore changent également. Et l’importance du microbiote dans le système hormonal et dans la transmission des signaux nerveux devient de plus en plus évidente. Une première étude du Dr Shear en 2019 a montré que la fibromyalgie est liée à des changements dans le microbiote, et cette fois, il a trouvé une signature potentielle de fibromyalgie dans le microbiote.

Acides biliaires

Ce sont des molécules qui sont sécrétées par le foie et digèrent les graisses. “Dans l’intestin, il existe des acides biliaires secondaires qui ont des fonctions de transmission nerveuse neuromodulatrices”, explique le Dr Shear. Ce sont ces acides biliaires secondaires qui pourraient être une signature diagnostique de la fibromyalgie. Une étude irlandaise a montré l’année dernière que les acides biliaires jouent un rôle dans le SII. “On savait que trop d’acides biliaires provoquaient la diarrhée et pas assez la constipation, deux formes de SII”, explique l’auteur principal de l’étude publiée dans Frontiers of Endocrinology, Dervla O’Malley, du University College of Cork. “Mais il semble également y avoir un rôle distinct pour les acides biliaires dans la douleur du SCI. »

Axe ventre-cerveau

Cette recherche s’inscrit dans un domaine de plus en plus actif de la médecine, “l’axe intestin-cerveau”. Au cœur de la théorie selon laquelle l’intestin et le cerveau sont connectés se trouvent l’inflammation et les bactéries : certaines bactéries provoquent une inflammation, qui est transmise au cerveau. La dépression est une maladie de choix pour les spécialistes de l’axe intestin-cerveau, d’autant plus que 95 % de la sérotonine produite dans l’organisme est produite par des bactéries intestinales. Ce messager chimique du système nerveux, cible de nombreux antidépresseurs, contribue en effet aux mouvements digestifs. L’un des centres de recherche sur l’axe intestin-cerveau se trouve juste à l’University College Cork où Mme O’Malley travaille, en particulier au centre de médecine universitaire APC Microbiome.

Un amortisseur

Une seule autre étude a lié les changements du microbiote à la fibromyalgie. “Nous avons fait une étude préliminaire puis le financement s’est épuisé”, explique Marc Clos-Garcia, auteur principal de l’étude publiée en 2019 dans la revue EBioMedicine. « Il est satisfaisant de voir nos résultats reproduits à Montréal, avec une plus grande puissance statistique. Mais je pense qu’il est encore prématuré de conclure que des changements dans le microbiote ont un effet causal sur la fibromyalgie. Ce n’est encore qu’un syndicat. » PHOTO DU SITE INTERNET DE L’UNIVERSITÉ DE KOPEHAGI Marc Clos Garcia

Régime

Le Dr Shear veut commencer un essai clinique de modification alimentaire. « L’idée serait de faire un changement majeur, en évitant complètement la viande, par exemple. Les changements alimentaires les plus subtils sont très difficiles à étudier, car il est très difficile de contrôler exactement ce que les patients mangent. Dans notre étude récente, par exemple, il n’y avait pas de différence de microbiote ou de douleur avec différentes habitudes alimentaires. »

Les bases de la fibromyalgie

L’existence même de la fibromyalgie a longtemps été contestée. “Quand j’ai commencé la médecine, on disait souvent que c’était dans la tête des patients”, explique le Dr Shear. On parle souvent de patientes car les femmes sont 30 à 50 % plus à risque que les hommes, selon une étude britannique publiée en 2020 dans la revue Pain. Il s’agit de douleurs musculaires ou articulaires qui ne peuvent être expliquées par d’autres maladies, par exemple l’arthrite. La prévalence de cette maladie sous-diagnostiquée est mal connue, allant de 1% à 6% de la population selon l’étude de Pain.

Démangeaison

Un article lors d’une réunion scientifique a récemment lié les démangeaisons aux acides biliaires, selon le Dr Shear. « Les démangeaisons sont un domaine de la douleur très peu étudié. Et pourtant, c’est une partie très importante de la jaunisse et d’autres hépatites. Je pense qu’il y a matière à de nombreuses découvertes fructueuses. »

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			1 % de la population canadienne âgée de 12 à 44 ans souffre de fibromyalgie 			 			SOURCE : STATISTIQUE CANADA 		   				2,8 % Pourcentage de la population canadienne de plus de 65 ans atteinte de fibromyalgie 			    			SOURCE : STATISTIQUE CANADA 		   				2,7 % Pourcentage de la population canadienne âgée de 45 à 64 ans atteinte de fibromyalgie 			 			SOURCE : STATISTIQUE CANADA 		  


		SOURCE : STATISTIQUE CANADA 		
		SOURCE : STATISTIQUE CANADA 		
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