Puis, peu avant les hymnes nationaux, un deuxième a suivi. Puis, peu après les hymnes nationaux, un troisième. Deux autres fois pendant le match. C’était vendredi soir au Centre Bell à quelques minutes d’un duel on ne peut plus insipide et insignifiant pour le classement final entre le CH et les Islanders de New York. Quelques heures après l’annonce du décès d’une légende du hockey, Mike Bossi. L’air était lourd, chargé. Aucune nervosité, aucune anticipation névrotique. Juste intense, tangible, lourd quoi, on vous l’a déjà dit. Carey Price était alors là neuf mois après une opération du genou prétendument mineure, six mois après sa rééducation. Et, mon amour, reçois autant que tu donneras à tes enfants dans les jours à venir. Sauf que Carey Price ne vous empêchera pas de dormir la nuit ni ne vous donnera mal à la tête… du moins, nous l’espérons. Carey Price regarde Zach Parisé lancer le filet lors du match de vendredi soir contre les Islanders de New York. Photo : Getty Images / Minas Panagiotakis C’est agréable de se sentir désiré, de quitter le principal concerné, comme une sorte de cri du cœur. Ah ça, difficile à contrer, mais, juste un instant. Ne savait-il pas ? Ne savait-il pas que la province l’appelait ? Que ses coéquipiers l’attendaient comme la dernière bouée de sauvetage, non pas pour survivre cette saison, mais juste pour prendre un dernier souffle avant de sombrer de bonne foi. Coeur et âme, est tombé Martin St-Louis. Un modèle pour tout le monde, a ajouté Nick Suzuki. La personne de l’organisation, s’est permis d’ajouter le jeune centre. Le jeu de Carey Price n’était pas un peu vieux. Calme, certes, il est sorti du gardien dès les premières minutes, bien tranquille pour lui, avouons-le, ce contrôle furieux, cette distanciation intense, cette indifférence occupée (ici on cherche des contradictions à chaque éventualité) qui le caractérise. “Il ne ressemblait pas à un homme qui n’avait pas joué depuis si longtemps” – Un extrait de Martin St-Louis sur Carey Price Non, en effet, monsieur St-Louis, il ne lui ressemblait pas. La technique parait parfaite. Mouvements : fluides. Jouer avec l’elfe : génial, comme d’habitude. C’était presque frustrant. Laissons-en aux autres, criait un supporter, à moins que ce ne soit le fruit de notre imagination. Il aura fallu une descente trois contre zéro (!!!) pour que les Islanders marquent un premier but. Puis, peut-être un peu agité, Price a cédé encore une minute et demie plus tard au jeune Noah Dobson, pas mal d’ailleurs, cédant à un excellent tir des poignets qu’auraient aimé certains détracteurs du numéro 31. Un total de 2 buts sont accordés en 19 tirs, pas assez pour écrire à sa mère bien-aimée (bien que s’il lit cela équivaut au même). Mais justement, dans ses 19 tirs, pour la plupart anodins, se trouve la clé de l’impact de ce gardien depuis trop longtemps, porte-drapeau d’un événement autrefois glorieux. Pas beaucoup, 19 coups, même si l’on pourrait dire que les insulaires n’avaient peut-être qu’un seul mal à expier de leur système. Il n’en demeure pas moins que le CH donne une moyenne de près de 35 par match, remportant la 30e place de cette ligue qui compte 32 équipes. Il n’en reste pas moins que Montréal avait été mené, et souvent abusé, dominé, opprimé par l’adversaire au niveau des tirs au but dans 13 des 14 derniers matchs. Dans 21 des 75 rencontres du début de saison pour les plus étranges d’entre vous. Une équipe souvent prête à déposer les armes, comme Vercingétorix aux pieds de César avant même qu’un duel ne commence. Il s’y est battu dès les premières minutes. Même Joel Armia a joué les illusions et, couronné d’un peu d’honnêteté, on pourrait penser que le Finlandais aime beaucoup ça, le hockey. Pas plus. Le Canadien a tenté 89 tirs contre 39 : une possession scandaleuse du peloton. Il n’a pas marqué, bien sûr, mais encore une fois, nous ne pouvons pas blâmer Price pour cela. Enfin μαστε nous pensons. Il a une présence. Quand il est dans le but, tu sens que tu peux gagner. Tout le temps. Vous avez un avantage, a déclaré l’entraîneur des insulaires, Barry Trots. “Je l’ai vu lors de ma brève expérience avec l’équipe canadienne. J’ai l’impression que c’est comme ça qu’elle le voit dans le championnat. Un joueur qui fait la différence. Il a une présence incroyable et les chiffres qui le prouvent”. – Extrait de l’entraîneur des Islanders Barry Trotz pour Carey Price Il est une légende de la Ligue nationale de hockey. C’est vraiment spécial de pouvoir jouer avec lui et je sais que tout le monde ressent la même chose. Stimule toute la formation. C’est notre meilleur joueur. Calme tout le monde, a dit Nick Suzuki, un homme bon qui ne donne pas l’impression qu’il se met dans la tête pour un oui ou un non. A un prix, à un autre… Cette fameuse aura, cette présence, cet impact intangible dont on parle depuis des années s’est fait sentir vendredi soir. Le fait qu’il ait réussi à l’inspirer dans un combat innocent après une si longue absence témoigne de son unicité. Tout le monde n’a pas une âme aussi forte. Ce fut une saison difficile au cours de laquelle Price a eu du mal à récupérer et a même été admis au programme d’aide aux joueurs de la Ligue nationale de hockey de la LNH. Une saison interminable au terme de laquelle un point d’interrogation planait : la tête d’affiche de cette équipe, sa base, pourrait-elle continuer l’aventure ? En fait, on ne sait pas encore. Doit-il pouvoir, veut-il ? Là encore, des questions sur lesquelles beaucoup d’encre coulera. La bonne nouvelle pour le Canadien, c’est d’une part que le gardien semblait avoir tous ses moyens et, d’autre part, qu’il s’ennuyait beaucoup avec le hockey. Il n’est pas facile de ne pas faire partie de la solution, a-t-il déclaré. Ce sera à lui de trancher dans la réalité. Sauf s’il quitte son corps. Tant de questions, encore une fois. Un triste renversement du destin cependant, qui fait que le jour où une légende meurt, une autre, bien vivante, trouve sa place. Pour combien de temps? Plus de questions …