Selon une enquête de la Caisse nationale d’allocations familiales publiée début juillet, 48,6 % des 8 000 établissements qui ont répondu ont déclaré manquer de personnel pour les enfants. L’empoisonnement d’un bébé à Lyon en juin a mis en lumière la situation critique de ce secteur, qui peine à favoriser les professions et les recrutements. Cela faisait quelques mois que le collectif “Pas de bébés à la consigne”, qui regroupe syndicats et organisations professionnelles du secteur préscolaire mobilisés pour défendre de meilleures conditions de travail, attendait l’arrêté ministériel publié la semaine dernière. Il a été jugé nécessaire de mettre à jour la liste des diplômes et certificats pour travailler dans une crèche. Cependant, plusieurs écarts assombrissent le tableau, selon Emilie Philippe, membre du collectif : « Il y a un article qui autorise, dans un contexte local de manque de professionnels, donc autrement dit, ça peut être n’importe où dans le pays, de s’écarter de la liste des diplômes et certificats requis ». Ainsi, les crèches pourront, exceptionnellement, recourir au recrutement de personnes “sans aucune qualification”, s’inquiète Emilie Philippe qui juge la mesure “pas du tout propice“. Le décret fait craindre à de nombreux professionnels un accueil au rabais. Le collectif a appelé à une réévaluation et à un approfondissement de la formation, plutôt qu’à “tirer la profession vers le bas”. Emilie Philippe a une autre dérogation dans son viseur, celle de l’article 3 du décret : l’accompagnement des personnes en activité pendant 120 heures. “On va demander à des professionnels qui manquent déjà de personnel de devenir des formateurs pour des gens qui ne connaissent rien au développement de l’enfant”, déplore-t-elle. Pour d’autres professionnels, ces 120 heures de formation ou le recours à des non-diplômés dévalorisent le monde de la petite enfance. La mesure fait bondir Jérôme Dumortier, directeur de l’école maternelle “Les Souriceaux”, à Villeneuve-d’Ascq dans le Nord. Quiconque a suivi une formation d’éducateur de jeunes enfants, c’est-à-dire un diplôme délivré trois ans après l’obtention de son diplôme, craint ce manque de formation. “Durant mes trois ans je n’ai rien fait. J’ai beaucoup appris sur la santé de l’enfant, le développement et la psychologie de l’enfant. Des choses qui sont nécessaires pour accompagner un enfant dans son quotidien, dans une structure petite enfance”, souffle cette professionnelle. “Le message envoyé à la société est une catastrophe dans le sens où travailler avec de jeunes enfants s’apprend. On ne peut le donner à personne. S’il y a une formation, c’est pour une raison.” Jérôme Dumortier, directeur d’une crèche à Villeneuve-d’Ascq franceinfo Jérôme Dumortier l’assure qu’il fera partie des professionnels qui n’auront pas recours aux non-diplômés, même s’il lui manque aujourd’hui une personne pour faire fonctionner correctement sa crèche.