Mais c’était un de ses objectifs. “La Chine tient particulièrement à gommer le concept de ligne médiane qui conduit à limiter les opérations de l’Armée populaire de libération à son ouest…” observent les auteurs d’une toute nouvelle note du China Power Project du think tank Center for Etudes Stratégiques et Internationales (CSIS). Dessinée par les États-Unis pendant la guerre froide, cette ligne n’a jamais été reconnue par Pékin. Quant au statu quo, « la vraie question est : les Chinois peuvent-ils empêcher les bâtiments militaires de traverser le détroit ? demande Valérie Niquet, auteur du récent livre Taiwan Faces China, War Tomorrow? » (éditions Tallandier) et directeur de recherche à la Fondation d’études stratégiques. Cependant, ajoute le chercheur, « nous allons sans doute assister à une augmentation du trafic, notamment en provenance des Américains, des Britanniques et des Français. Le porte-avions USS Ronald Reagan, qui se trouve au Japon, devra probablement être déplacé. »

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Taipei, qui comptait dimanche 66 avions chinois dans son espace aérien, a accusé la Chine de répéter un schéma d’incursions que peu d’experts voient venir à court terme. “Ces manœuvres ont montré leur détermination. Mais ils sont aussi très utiles aux forces taiwanaises et américaines qui ont pu observer de très près les capacités et le modus operandi des forces chinoises. Donc, ça avait une certaine utilité pour tout le monde”, observe Valérie Niquet. « C’est un tableau mitigé pour la Chine. Cela n’en dit pas plus sur la capacité de Pékin à envahir Taïwan, estime le chercheur. S’il s’arrêtait au bout de quatre jours, ce serait l’une des crises du détroit de Taiwan. Je ne pense pas que la Chine puisse se permettre de trop prolonger cela en bloquant les cargos dans le détroit car ce sont eux qui punissent puisque la plupart de ces navires partent des grands ports chinois. À cela s’ajoutent les coûts des exercices militaires et l’impact que la suspension de la navigation dans le détroit a sur les chaînes d’approvisionnement et le commerce mondial. « La Chine a aussi besoin de Taïwan, qui a été l’un des premiers investisseurs en Chine, et le développement chinois doit beaucoup aux entrepreneurs taïwanais. Le patron de TSMC [spécialisé dans les semi-conducteurs, NDLR] il a aussi dit que s’il y avait une guerre, les Chinois seraient les premiers à se mordre les doigts car ils ne sont pas capables de produire ce que font les Taïwanais », poursuit-il.

Exercices triviaux

Pékin a prévu de poursuivre les exercices de tir réel jusqu’au 15 août dans la mer Jaune, qui sépare la Chine de la péninsule coréenne. Va-t-il banaliser les exercices ? Jusqu’à présent, les passages quasi quotidiens de l’armée de l’air chinoise dans la zone de reconnaissance aérienne de Taiwan étaient orientés vers le sud-ouest, bien loin de la côte. Il est possible qu’à l’avenir, ils se rapprochent. « Si Xi Jinping est réélu pour un troisième mandat lors du prochain congrès, cela peut lui donner des idées. Mais si la Chine continue à se vautrer dans les problèmes économiques, il sera difficile de mettre plus de pression sur Taïwan, en s’engageant sur autant de fronts internes et externes », a déclaré Valérie Niquet. Les trois précédentes crises militaires dans le détroit de Taiwan 1949 : Les forces communistes de Mao Zedong réussissent à repousser les nationalistes de Chiang Kai-shek, qui s’installent à Taiwan. En août 1954, les Nationalistes de la République de Chine – nom officiel de Taïwan – déployèrent des milliers de soldats à Kinmen et Matsu, deux petites îles situées à quelques kilomètres du continent. La Chine communiste a répondu en bombardant les îles avec de l’artillerie et en s’emparant des îles Yjiangshan. 1958 : Les forces de Mao bombardent Qinmen et Matsu pour déloger à nouveau les troupes nationalistes. Le président américain Dwight D. Eisenhower ordonne à son armée d’escorter et de ravitailler ses alliés taïwanais. Les forces de Mao ont continué à bombarder Qinmen par intermittence jusqu’en 1979. 1995 : La Chine commence à tester des missiles dans les eaux autour de Taïwan pour protester contre la visite du dirigeant taïwanais Lee Teng-hui aux États-Unis. Washington envoie deux groupes de transporteurs pour faire pression sur la Chine pour qu’elle recule, et Li Teng Hui remporte une victoire électorale écrasante. (Avec AFP)