C’est une des querelles dont le Parlement a le secret. Alors que l’examen du budget rectificatif au Sénat s’est étiré dans la nuit de mardi à mercredi, vers 1 heure du matin, une proposition de la droite, majoritaire à la chambre haute, a suscité une vive mésentente parmi les élus. Privilégiant les travailleurs précaires aux minima sociaux acceptables, ce changement a été adopté quelques minutes plus tard, au grand dam de la gauche et du gouvernement. Lire aussi Rachat RTT, boost carburant, carte biométrique Vitale… Que contient le budget rectificatif voté mardi soir par le Sénat À VOIR AUSSI – Marine Le Pen se dit “satisfaite” du travail du RN à l’Assemblée nationale Instaurée début juillet par le gouvernement et financée par le budget rectificatif, l’”aide extraordinaire” à la rentrée, anciennement appelée “coupon alimentaire”, visait à apporter 100 € à environ 7,7 millions de foyers – soit 15 millions de personnes, selon au Sénat. – la perception des minima sociaux tels que le RSA, l’AAH ou les étudiants boursiers. Cette aide, présentée auparavant sous la forme d’un “chèque alimentation”, serait majorée de 50 euros par enfant à charge. Coût total : environ un milliard d’euros, selon le gouvernement. Mais cette première proposition de l’exécutif n’a pas recueilli l’adhésion de la droite sénatoriale. Dans son rapport au nom de la commission économique, Jean-François Husson a exprimé un avis mitigé sur ce dispositif, qui « fait suite à la prime d’inflation ». Cependant, ce dernier « se caractérisait par un manque de ciblage […]effets de seuil énormes, coût extrêmement élevé […] et une application qui s’appuie fortement sur des entreprises, qui ne sont pas la profession, avec un risque de duplication et de fraude. Soulignant les difficultés rencontrées dans la mise à disposition de l’allocation, la sénatrice LR a souligné que l’aide d’urgence à la rentrée sera « le quatrième versement forfaitaire aux ménages modestes depuis le printemps 2020 ». Un bilan coûteux, à “l’efficacité sociale” discutable. Au lieu de juger les aides trop larges et inefficaces, le rapporteur a donc suggéré que “l’effort budgétaire soit concentré sur le soutien au pouvoir d’achat des travailleurs, qui sont actuellement exclus du système proposé”. Ainsi, l’amendement 191 proposait de « remplacer la rentrée scolaire exceptionnelle […] avec une aide ponctuelle de 150 euros versée aux bénéficiaires de l’allocation d’activité », versée sur trois mois. Le sous-amendement 543a déposé par la droite proposait que ce forfait soit également versé aux « allocataires adultes handicapés » (AAH).

Une conversation électrique

L’idée de l’amendement est “de faire en sorte que les Français qui ont un emploi, qui sont des travailleurs pauvres […] trouver, au moment de la rentrée, un excellent soutien” de 150 euros, a justifié Jean-François Husson, en séance. “Il faut donner un signal, pour encourager plus et mieux” les travailleurs, a-t-il ajouté, précisant que ce changement permettait aussi de maintenir l’écart entre revenus du travail et revenus d’aide et en même temps d’économiser 250 millions d’euros. Lire aussi Le correct, grand arbitre des textes au Parlement VOIR AUSSI – Pouvoir d’achat : après des débats houleux, l’Assemblée approuve la deuxième partie des mesures L’exécutif s’est opposé à ces propositions de la droite. “Moche […] huit millions de ménages modestes, qui sont au minimum social, devraient bénéficier […]. L’amendement est abrogé [son] bénéficiant à quatre millions de ménages pauvres », a justifié le représentant du ministre chargé des Comptes publics, Gabriel Attal. Par ailleurs, les allocataires de l’AAH bénéficieront d’une aide d’urgence dans la copie gouvernementale et d’autres mesures ont déjà été conçues par la majorité pour favoriser le travail, a ajouté le membre gouvernemental. Les propositions de la droite ont fait bondir les différents groupes, accusant les élus LR de vouloir arracher le pain de la bouche des plus précaires et de mettre ensemble les précaires. La centriste Élisabeth Doineau s’est inquiétée d’une disposition discriminatoire pour les mères célibataires percevant le RSA, “incapables de travailler”, après que l’écologiste Thomas Dossus a estimé que la droite exploitait “la nuit pour frapper les plus pauvres”. “Vous vous préparez à une rentrée explosive”, a-t-il prévenu, avant que son collègue socialiste Rémi Féraud ne critique un “amendement très idéologique”. Vers 1h du matin, les amendements de droite ont finalement été approuvés, par 195 voix contre 146, lors d’un vote unissant LR aux centristes. Pour autant, les discussions ne s’arrêtent pas là : la nouvelle version du texte, qui a été votée dans la nuit, devra certainement être revue en commission mixte paritaire mercredi soir, et pourrait donc être à nouveau amendée par les députés. VOIR AUSSI – L’Assemblée vote puis annule l’augmentation de 500 millions d’euros des retraites