La droite y voit un retour à la philosophie portée par Nicolas Sarkozy derrière le slogan, « Travailler plus pour gagner plus ». La gauche, en revanche, voit un coup de sabot dévastateur toutes les 35 heures. Avec l’adoption définitive du projet de loi de finances rectificative (PLFR), jeudi 4 août, députés et sénateurs ont entériné deux mesures qui ont fait l’objet d’intenses dissensions politiques : d’une part, la possibilité pour les employeurs de racheter la RTT de leurs employés jusqu’en décembre; 31.2025 (pour un maximum de 7 500 euros) et d’autre part l’augmentation permanente du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires (de 5 000 à 7 500 euros). Sous la pression des députés Les Républicains (LR) dans un hémicycle où il ne dispose que d’une majorité relative, le camp présidentiel, en quête d’un compromis et favorable à l’esprit des dispositions, a donné son feu vert. Au Sénat, des élus de droite ont tenté d’aller plus loin en pérennisant les deux dispositifs, mais se sont limités aux années 2022 et 2023 dans la première version votée à l’Assemblée. Après que ces amendements ont été approuvés en session, ils sont sortis vainqueurs du compromis trouvé mercredi en commission mixte.
Des mesures longtemps défendues par la droite
La monétisation de la RTT et la défiscalisation des heures supplémentaires, inscrites au programme présidentiel de Valérie Pécresse au printemps, appartiennent à la feuille de route idéologique de la droite. En 2007, sept ans après la mise en place des lois Aubry pour réduire la durée légale du temps de travail à 35 heures, Nicolas Sarkozy était ainsi devenu un apôtre de la défiscalisation des heures supplémentaires, avant que la mesure n’entre en vigueur. François Hollande – puis réintégré par Emmanuel Macron en 2019.
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Tout au long des débats, arguant que ces mesures permettaient de revaloriser le travail et d’augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs, les élus LR ont donc joué de leur voix pour s’imposer. “On suppose parfaitement qu’on mettra un corner dans 35 heures”, a ainsi commencé lundi 1er août la sénatrice Christine Lavarde (Hauts-de-Seine). Le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, a également soutenu que “35 heures, ce n’est décidément pas du profit et du progrès social pour tout le monde”, quand la députée Véronique Louwagie (Orne) s’est félicitée jeudi du “retour du ‘Travailler plus pour gagner plus’”, chers républicains », « pour que le travail paie toujours plus que l’aide sociale ».
“Coup de force” pour “tuer 35 heures”
A gauche, le tollé a été conséquent. Dénonçant un “coup d’Etat” sans concertation syndicale visant à “tuer 35 heures”, les élus estiment que ces deux dispositifs servent de prétexte au gouvernement pour esquiver la question de l’ajustement salarial, ce qui cependant en vain. lors des discussions.
“Parce qu’ils voudront à tout prix conserver leur pouvoir d’achat et que vous leur refusez une augmentation, [les salariés] ils n’auront d’autre choix que de renoncer à leur temps de repos”, a déclaré jeudi la députée socialiste Christine Pires Beaune (Puy-de-Dôme). “C’est aussi une atteinte au financement de notre modèle social puisque les mesures prévoient des exonérations de cotisations sociales et d’impôts”, souligne le député écologiste Julien Bayou (Paris).
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Dès lors, le sénateur socialiste Rémi Féraud (Ile-de-France) fustige une “sarcosisation tant alléguée de la politique d’Emmanuel Macron”, qui, selon lui, “ouvre la boîte de Pandore de la régression sociale”. Son collègue de l’Assemblée Mickaël Bouloux (Ille-et-Vilaine) a prévenu en séance que les élus du Nupes vont occuper le Conseil constitutionnel en RTT afin de vérifier la conformité de la « modification du code du travail dans une loi de finances”. au sujet desquels ils se disputent.
“Recettes anciennes”
Du côté des syndicats, la fureur est similaire. “Au lieu de vouloir influencer les politiques salariales des entreprises, de poser la question du partage de la valeur produite, d’examiner l’évolution du travail et son intensité, le Parlement nous sert de vieilles recettes”, a déploré le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. , dans un tweet.
La CGT a critiqué, dans un communiqué publié jeudi, le “recours à la monétisation de la RTT”, qui soulève “plusieurs questions”, dont celle de “remettre en cause la durée légale du temps de travail”, “dans un contexte où les courses sont nombreuses dans les entreprises sont embauchées pour travailler moins mais tout et mieux.”
Déplorant également « la remise en cause des 35 heures », Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière, s’est interrogé sur la portée de la mesure, jeudi sur RTL : « Combien de salariés seront concernés ? Les détenteurs d’un pass journalier ne seront pas éligibles. [Ceux de] toutes les entreprises disposant d’un compte épargne temps n’y auront pas non plus droit. »
Mais dans le camp présidentiel, ces accusations sont qualifiées de « simulacres de procès ». “L’acquisition de RTT est un choix, pas une obligation. Nous ne modifions pas la durée légale du travail hebdomadaire, qui reste à 35 heures”, a tenté jeudi le ministre de l’Economie Bruno Lemaire de rassurer les parlementaires.
Pour Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du texte, “il est ridicule de mettre en avant les 35 heures”, alors que ces mesures “répondent à une demande des Français”, rentrent dans le cadre du droit du travail et comportent “des garanties de prévenir tout abus ».
Il rappelle que pour l’acquisition de la RTT “le double consentement de l’employeur et du salarié est nécessaire”, alors que pour les deux dispositifs le “plafond de conversion du temps en argent est fixé à 7.500 euros”. Soulignant les lacunes du paquet salarial pouvoir d’achat, les syndicats appellent à une grève générale le 29 septembre.
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Marie Pouzadoux