Posté à 12h00
Hénia Ould-Hammou La Presse
Nous retrouvons Jay Bailey, un fermier de Brattleboro, tôt le matin. Wild Carrot Farm est une ferme pas comme les autres. Il y a 10 ans, ce lieu instable est devenu un véritable laboratoire. C’est ici, dans les vastes champs de M. Bailey, qu’Abraham Noe-Hays et Kimmerly Nace, fondateurs du Rich Earth Institute, ont testé les vertus de l’urine humaine. « Abraham était stagiaire sur notre ferme », explique Jay Bailey. Après nous avoir connus, un beau jour, il nous a dit : « J’ai une idée. Voulez-vous essayer ?” Et nous avons répondu : “Bien sûr !” » Depuis, les sols de cette ferme du Vermont ont été enrichis avec du compost fourni par l’Institut. Dans cette zone, plusieurs autres agriculteurs utilisent des réserves gratuites d’urine humaine pour irriguer leurs champs. Les habitants l’utilisent également pour arroser leurs jardins. Cette initiative s’est avérée être un véritable succès, déclare fièrement Jay Bailey. Après avoir recouvert ses champs d’engrais chimique, très nocif pour l’environnement, il s’est vite rendu compte des bienfaits de l’urine humaine. PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Jay Bailey, agriculteur L’engrais commercial ne valait pas l’argent que j’ai dépensé. Il n’y avait pas d’autres insectes dans le foin. C’est un signe que c’est mauvais. Avec l’urine, vous voyez les trois quarts des avantages la première année. Et l’année prochaine, vous voyez encore où vous l’avez mis. Cela me dit une chose : il aime la terre. Jay Bailey, agriculteur Non seulement l’urine humaine contribue à la santé des sols, mais c’est aussi un choix conscient et respectueux de l’environnement, affirme Jay Bailey. En fait, la majorité des nutriments que notre corps excrète se trouvent dans notre urine. “J’aime prendre des choses considérées comme inutiles pour faire quelque chose de bien”, explique l’agriculteur avec le sourire aux lèvres. PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Le projet s’est avéré un véritable succès pour sa ferme, déclare Jay Bailey.
La naissance d’une idée verte
Tout a commencé à quelques minutes de route des champs de Jay Bailey à Kimmerly Nace. “En 2012, un groupe de personnes a commencé à collecter de l’urine pour que nous puissions faire des recherches”, explique le chercheur et co-fondateur du Rich Earth Institute. PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Kimmerly Nace, co-fondatrice du Rich Earth Institute L’idée de recycler l’urine humaine n’a pas été difficile à mettre en œuvre à Brattleboro. Au départ, la “Brigade des urines” (en français, Brigade des urines) recrutait des membres partout. “L’un des membres de notre conseil est même allé à l’église”, se souvient Kimerly Ness. Une fois sur place, il s’est levé pour dire : “J’ai lancé ce projet et j’aimerais que vous le rejoigniez…” Les femmes chantant dans la chorale ont également rejoint les rangs du mouvement. “Même aujourd’hui, ce sont d’excellents donneurs d’urine”, déclare Kimmerly Nace. La chercheuse nous montre le réservoir extérieur où elle et l’urine de toute sa famille atterrissent chaque jour. PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Kimmerly Nace devant le char familial “Il faut environ six mois pour terminer”, explique-t-il. Au printemps, l’institut de recherche arrive avec un gros camion pour pomper l’urine. Idem en automne. »
Participation populaire
Chaque année, plus de 200 personnes visitent l’entrepôt du Rich Earth Institute et donnent leur urine. Là, le liquide organique est pompé et transféré dans les réservoirs, qui sont ensuite transportés à l’Institut par camions. PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Kimmerly Nace, co-fondatrice du Rich Earth Institute, devant le stockage d’urine du corps Pour encourager les gens à participer au projet, Kimmerly Nace a créé un concours appelé “Piss Off”. “Les gens évaluent tout ce qu’ils donnent, et nous décernons des récompenses”, résume Kimmerly Nace. Ils prennent cette compétition au sérieux. » Quant à l’Institut, également situé à Brattleboro, il étonne par ses toilettes originales, son laboratoire, ses cuves et, surtout, son système de pasteurisation des urines.
PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Laboratoire de l’Institut de la Terre Riche PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE L’étudiante et stagiaire Josie Rutherford manipule des flacons d’urine dans le laboratoire. PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Jamina Shupack et Arthur Davis, tous deux assistants de recherche, devant des citernes où l’urine est collectée. PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Le système de pasteurisation de l’institut PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Prototypes de toilettes environnementales en démonstration sur place
1/5 Laboratoire de l’Institut de la Terre Riche L’étudiante et stagiaire Josie Rutherford manipule des flacons d’urine dans le laboratoire. Jamina Shupack et Arthur Davis, tous deux assistants de recherche, devant des citernes où l’urine est collectée. Le système de pasteurisation de l’institut Prototypes de toilettes environnementales en démonstration sur place “Ici, on prélève de l’urine non pasteurisée”, explique Jamina Shupack, assistante de recherche. L’urine de l’entrepôt ou des maisons des gens est versée dans ces grands réservoirs et passée dans un pasteurisateur, où elle est chauffée à 80 degrés pendant 90 secondes. Sur le plan énergétique, c’est un procédé très efficace. »
Coût élevé
Bien que l’énergie nécessaire au fonctionnement du système soit relativement faible, le coût du projet est particulièrement élevé. “A notre échelle, cela coûte plus cher que d’utiliser des engrais chimiques”, reconnaît Arthur Davis, assistant de recherche. Mais, si vous voulez fertiliser votre jardin avec de l’urine, c’est très bon marché. » “Nous pouvons probablement remplacer au moins 25% des engrais synthétiques en utilisant notre urine”, estime Kimmerly Nace.