Publié à 14h03 Mis à jour à 16h14.
Brieanna CharleboisLa Presse Canadienne
Selon les données publiées cette semaine par Statistique Canada, le nombre de cas d’extorsion signalés à la police au Canada a augmenté de près de 300 % en près d’une décennie. Une grande partie de cette augmentation a été observée pendant la pandémie. La sextorsion est un crime qui a attiré l’attention des Canadiens lorsqu’une jeune fille de 15 ans de la Colombie-Britannique s’est suicidée en 2012 après avoir été harcelée par un intimidateur se cachant derrière son anonymat. Aydin Coban, un Néerlandais accusé d’extorsion, de harcèlement criminel, d’avoir contacté une adolescente pour commettre une infraction sexuelle et de deux chefs de possession de pédopornographie, a été reconnu coupable de tous les chefs samedi par un jury. Signy Arnason, du Centre canadien de protection de l’enfance, souligne que le phénomène ne cesse de croître depuis la mort du jeune Todd. “C’est hors de contrôle”, déplore-t-il. Les services de police ont fréquemment émis de nouveaux avertissements au public contre l’extorsion. “Malheureusement, la police du monde entier a vu des situations comme celle-ci se terminer tragiquement par des victimes qui se sont suicidées”, a écrit le caporal Mark Sobieraj de l’Unité contre l’exploitation des enfants sur Internet de la GRC la semaine dernière. “Nous exhortons les parents et les tuteurs à discuter des risques potentiels avec les enfants et à souligner l’importance qu’ils viennent vous demander de l’aide. » Statistique Canada rapporte que le nombre de cas de distribution non consensuelle d’images personnelles a augmenté de près de 9 % en 2021 par rapport à l’année précédente. Cela représente également une augmentation de 52 % du nombre de cas par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. « Les médias sociaux et d’autres fournisseurs de services numériques contribuent à ces augmentations alarmantes », a déclaré la directrice générale du Centre canadien de protection de l’enfance, Lianna McDonald. C’est une sonnette d’alarme.” Cyberaide.ca rapporte qu’un « nombre sans précédent d’adolescents et, dans certains cas, de parents inquiets, ont approché le Centre canadien […] signaler les cas d’extorsion caractérisés par des tactiques agressives ». Ainsi, en juillet, 322 dossiers ont été ouverts pour des victimes de chantage. « L’analyse a également révélé l’émergence d’une nouvelle tactique par laquelle le sextorker derrière le faux compte envoie des images d’abus sexuels d’enfants à la victime. Le sextorker menacera alors de dénoncer la victime à la police sous prétexte d’être en possession d’images illégales. Les demandes d’argent suivront immédiatement », a déclaré le site dans un communiqué la semaine dernière.
La recherche montre que les victimes préfèrent souvent garder le silence
Selon David Fraser, avocat à Halifax, une des raisons de ce phénomène réside dans la crainte que les victimes soient accusées de posséder de la pornographie juvénile, même s’il s’agit d’une photo d’elles-mêmes. C’est une idée fausse très répandue parmi la population et même parmi les forces de l’ordre. “Il faut faire très attention au message qu’on veut faire passer à ces jeunes. Vous n’avez qu’à leur dire qu’il existe des endroits sûrs où ils peuvent aller chercher de l’aide si les choses s’aggravent », a-t-il déclaré. M. Fraser rappelle que la Cour suprême du Canada a établi en 2001 une exception aux articles du Code criminel relatifs à la possession de matériel pornographique. La plus haute cour du pays a alors statué que les adolescents avaient le droit de créer des images privées d’eux-mêmes tant qu’ils ne les montraient pas en train de se livrer à des activités sexuelles consensuelles illégales et qu’ils restaient privés. L’avocat souhaite également une plus grande sensibilisation des corps policiers et davantage de moyens à leur disposition. “Je vois un manque de capacité de la police à examiner les lois existantes dans un contexte numérique. Le chantage est un chantage, qu’il s’agisse de menacer de révéler des photos personnelles ou d’une forme plus conventionnelle de chantage. » Mme McDonald appelle à l’application rapide d’un “cadre réglementaire pour les entreprises technologiques”, y compris Snapchat et Instagram, où les enfants criminels trouveront plus facilement des enfants. «Le problème s’aggrave et cela pose vraiment la question de savoir ce que font ces entreprises pour assurer la sécurité des enfants. Il est impensable que les plateformes de médias sociaux permettent à de parfaits inconnus de communiquer directement avec nos enfants et de s’en prendre à eux en toute impunité. » Le ministère fédéral du Patrimoine indique que le gouvernement fédéral élabore actuellement une stratégie pour lutter contre les contenus préjudiciables en ligne. Cela pourrait inclure la création d’un organisme de réglementation. Le ministre Pablo Rodriguez “organise actuellement des consultations avec les victimes de contenus toxiques en ligne”.