Posté à 6h30
La nouvelle avait créé une onde de choc, rappelez-vous. Tous les permis détenus par les patrons des Habitations Trigone avaient été immédiatement annulés en septembre 2021. Les sites ont dû cesser leurs activités immédiatement. Ils étaient une douzaine. On ne savait pas qui terminerait les milliers de maisons que les clients attendaient. C’était exactement ce que Trigone avait plaidé pour récupérer ses licences. Leur annulation a mis en péril la livraison de 2 353 logements. L’approche avait fonctionné. L’agent immobilier bien connu avait obtenu un “sursis à exécution” mais sa récusation devait être entendue sur le fond. Cette fois, sa plaidoirie, longue de 85 pages, n’a pas convaincu la Cour. Le juge Jean Paquette a rejeté l’appel. Cependant, les avocats de Trigone n’ont pas manqué d’imagination pour convaincre le juge que la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) avait erré dans son analyse. Plus précisément, ils soutiennent que la RBQ « impose des normes de perfection irréalistes, de sorte que tout problème lui permettrait de conclure que Trigone manque de compétence dans la conduite de ses activités commerciales ». Pourtant, la Vérificatrice générale du Québec (VGQ) rapportait exactement le contraire il y a un an. Selon lui, la stratégie de la RBQ “pour s’assurer de la compétence des entrepreneurs est insuffisante”. Après tout, si les demandes étaient si élevées, nous ne verrions pas toutes ces images déprimantes des bâtiments mal construits de Trigone qui ont explosé sur The Invoice. Il n’y aurait pas 200 procès en 20 ans. “Il incombe à Trigone de démontrer qu’elle est de bonne moralité et capable de mener ses affaires avec compétence et intégrité, et elle n’a pas réussi à s’acquitter de ce fardeau”, a écrit le juge Paquette. Au milieu des arrêts de construction, la crise n’a pas choqué les lieux désolés. Mais lundi matin prochain, les centaines de salariés et sous-traitants de Trigone se présenteront-ils sur les chantiers ouverts ou fermés ? “C’est trop tôt pour le dire”, a répondu l’un des propriétaires de Trigone, Patrice St-Pierre. L’homme d’affaires n’avait pas grand-chose à dire sur la suite puisqu’il était à l’étranger et que la crise n’était connue que depuis quelques heures ouvrables. je les imagine [nos avocats] nous examinerons les remèdes dont nous disposons. Patrice St-Pierre, un des propriétaires de Trigone Son entreprise, qui a construit 25 000 logements depuis sa création, dispose de 30 jours pour porter l’affaire devant la Cour suprême. Si oui, ses licences seront-elles maintenues pendant le processus ? Cela reste à voir. Mais à la RBQ, on s’assurera que Trigone n’opère pas sans permis, ce qui est une infraction passible de poursuites criminelles, indique le porte-parole Sylvain Lamothe. “Nous faisons des audits pour déterminer ce qui se passe et nous ferons des audits sur les sites”, a-t-il poursuivi. Et s’il s’avère que la décision n’est pas respectée par l’entrepreneur, il peut y avoir des ordres d’arrêt des travaux. » La RBQ ne sait pas combien de chantiers Trigone réalise en même temps, ni le nombre de résidences dont l’achèvement est à risque. Les consommateurs anxieux en attente de la livraison de leur maison devraient lire leur contrat pour voir si leur future propriété est couverte par un régime de garantie, suggère la RBQ. Cependant, alors que les bâtiments de quatre étages ou moins sont obligatoirement protégés par le régime de garantie GCR (Garantie Construction Maison), les tours plus hautes ne sont pas toujours garanties. Cette décision est à la discrétion de l’entrepreneur. GCR affirme que trois bâtiments en cours de construction par Trigone sont couverts par sa garantie. Ceux-ci sont situés au Domaine de l’équerre, à Laval. Le projet est réalisé en collaboration avec le Groupe Charplex. « Dans les prochains jours, nous communiquerons avec les personnes concernées pour leur expliquer la procédure de plainte », promet le porte-parole François-William Simard. Sur le site de Trigone, la rubrique “Découvrez nos projets” mène à lokalia.ca, spécialisé dans la “location d’espaces à dimension humaine”. Patrice St-Pierre, copropriétaire de Trigone, en est à la fois l’actionnaire principal et le président. On voit des projets à Longueuil, Granby et Mascouche promis cet automne ou au printemps prochain. Tous les logements présentés sont à louer. Ce nouveau chapitre de la saga Trigone est plutôt rassurant. Dans une industrie qui fait trop souvent les manchettes pour ses pratiques douteuses, le jugement substantiel du Tribunal administratif du travail démontre que la RBQ est capable de mettre de sérieuses entraves aux hommes d’affaires peu scrupuleux. Mais il a fallu des rapports “scandaleux” de La Facture pour bouger, déplore le directeur général de l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC), Marc-André Harnois. Et la fin de l’histoire n’est pas encore écrite.