POLITIQUE – Et il y avait de la lumière. Dès la qualification pour le second tour de l’élection présidentielle, Marin Le Pen était sous le feu des projecteurs, après avoir profité du confortable paratonnerre mis en place par Eric Zemour et de sa candidature très radicale. Une conséquence directe de ce changement de paradigme est le retour progressif d’une diabolisation qui a méticuleusement tout fait pour s’en débarrasser. Un mouvement fondamental qui ne se focalise pas uniquement sur l’individu. Depuis plusieurs jours, son programme est analysé avec encore plus de précision par des experts, qui pointent ici ses graves problèmes constitutionnels, là où est la misère de ses propositions financières. Le résultat est une campagne beaucoup moins apaisée que le premier tour, qui s’est déroulé sous le radar des médias. Dès le premier jour des midterms, la candidate d’extrême droite a enchaîné les couacs et les difficultés.
“Manque absolu de crédibilité”
Le mardi 12 avril, sur France inter, Marin Lepen assure que « M. Bourguiba avait interdit le voile en Algérie. Problème numéro un, Habib Bourguiba était président de la Tunisie, pas de l’Algérie. Problème numéro deux, il n’a en aucun cas interdit le voile dans la rue comme il le prétend.
De quoi rajeunir le procès d’impuissance qui lui colle à la peau. “Ce manque de crédibilité abyssal pour quelqu’un qui brigue le poste suprême depuis des années est vraiment désarmant”, a ironisé Nathalie Loiseau, ancienne ministre des Affaires européennes et aujourd’hui députée LREM.
Le même jour, plus tard dans la journée. A Vernon dans l’Eure, Marine Le Pen donne une conférence de presse sur la démocratie. Qu’apprenons-nous de l’exercice ? Les dernières secondes où, avec une phrase agaçante qui entre en conflit avec le sérieux auquel elle se cantonnait jusque-là, la candidate RN suppose exclure les journalistes du Quotidien de ses événements. De quoi remettre une pièce dans la machine démoniaque.
Quand l’extrême droite commence à dire « je choisis les journalistes, qui viennent ou ne viennent pas », ils font la même chose qu’en Hongrie. C’est-à-dire, méthodiquement, progressivement, la réduction, la dégradation des droits”, a réagi le soir même Emanuel Macron lors de son meeting à Strasbourg.
Thème différent, même format. Mercredi 13 avril, Marin Lepen donne une conférence de presse sur la politique étrangère qu’elle entend mettre en œuvre, alors que la guerre en Ukraine a fait s’effondrer son logiciel international. Dans la salle, une militante EELV agite une pancarte qui la montre sur une photo avec Vladimir Poutine, avant d’être brutalement évacuée.
L’image fait un double travail. Marin Le Pen revient sur sa proximité avec le dictateur du Kremlin, et des images d’une jeune femme rampant par terre circulent sur les réseaux sociaux et les chaînes d’information, faisant pour certains un avant-goût de ce que pourrait être l’extrême droite. Plus tard dans la journée, Marin Lepen est invité sur BFMTV. Il a refusé de donner le nom du chef du gouvernement qu’il entend nommer s’il est élu. La raison qu’il invoque : “personne n’annonce son Premier ministre à l’avance”. Mais c’est exactement ce qu’il a fait lors des tournées de 2017.
Dans le même temps, Marin Le Pen est également attaqué par le camp Zemour, qui l’accuse de refuser de promettre un gouvernement d’union nationale, tout en rejetant l’idée de pouvoir gouverner avec les militaires ou Marion Marshall. , qui sont encore invités à voter à partir du 10 avril. “Vous venez d’apprendre maintenant que ça craint?”, rit un cadre de Reconquest qui est passé par RN avec HuffPost.
Il y a une longue discussion et il reste une semaine
“J’ai des commentaires assez durs du terrain contre elle, les électeurs de Zemmour ne comprennent pas pourquoi elle ne s’unit pas et pourquoi elle se concentre sur la gauche. Si ça continue comme ça, il ne faut pas trop miser sur des transferts de voix en masse », prévient notre interlocuteur, qui ajoute : « On a l’impression que ça fait comme en 2017. Zéro geste envers les dirigeants et à chaque fois. elle ouvre la bouche, c’est pour dire une bêtise et perdre des points”. Alors que les courbes se rapprochaient avant le premier tour, le compilateur de sondages qui suit montre que l’écart s’est creusé (légèrement) ces derniers jours entre Emanuel Macron et Marin Le Pen. Il dépasse les huit points ce samedi pour la première fois depuis près de deux semaines. Jeudi après-midi à Avignon, la candidate RN n’a pas dérogé à sa stratégie, appelant à un front contre Macron dans lequel “tous les Français” sont les bienvenus. Un discours tout en douceur qui vise à affronter cette diabolisation qui le renvoie comme un boomerang et leurre une partie de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, cette course effrénée à l’uniformisation à tout prix, qui vise moins à attirer les électeurs qu’à les démobiliser, comporte une part de risque pour Marin Le Pen : celui de la contradiction. Illustration vendredi 15 avril sur BFMTV. Le candidat du RN affirme qu’il n’est pas question d’organiser un référendum sur la peine de mort, car cela serait “inconstitutionnel”. Problème, il disait exactement le contraire la veille sur France 2. Une pédale grossière qui, contrairement au premier tour, n’échappe plus à personne. Et il lui reste encore une semaine et un débat télévisé à faire. À lire aussi Le HuffPost : Pourquoi Marin Le Pen reste un candidat d’extrême droite