Posté à 6h00
                Émilie Bilodeau La Presse             

“Le dioxyde de titane est un agent de blanchiment utilisé pour rendre les aliments plus blancs et plus opaques, pour leur donner un éclat blanc”, explique Anne-Marie Desbiens, chimiste et auteur du blog La Foodie scientifique. “C’est utilisé dans les crèmes glacées, les crèmes glacées, parfois dans les vinaigrettes”, ajoute-t-il. En janvier dernier, la Commission européenne a interdit le dioxyde de titane en tant qu’additif alimentaire et accordé à l’industrie une période de transition de six mois. L’interdiction est maintenant en vigueur. L’ingrédient reste autorisé dans les peintures et les matériaux de construction ainsi que dans les cosmétiques, comme la crème et le dentifrice. Stella Kyriakidis, commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire de la Commission européenne, a déclaré que les nanoparticules de cet additif ne sont plus considérées comme sûres. PHOTO JOHN THYS, FRANCE-DOSSIER AGENCE DE PRESSE Stella Kyriakidis, commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire de la Commission européenne La sécurité des aliments consommés par nos concitoyens et la santé de leurs concitoyens ne sont pas négociables. Stella Kyriakidis, commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire de la Commission européenne Face à la décision des 27 pays membres de l’Union européenne, Santé Canada a publié en juin dernier un “Rapport sur les connaissances scientifiques actuelles”. “Les conclusions du groupe d’experts de l’UE ont été prises en compte dans ce rapport, mais la Direction des aliments de Santé Canada a mené son propre examen complet des données scientifiques disponibles”, indique le document. “Les experts [de l’Union européenne] ils n’ont pas conclu que les particules de TiO2 étaient génotoxiques, mais ils ne pouvaient pas non plus exclure la possibilité qu’elles le soient », indique le rapport. L’Union européenne a interdit le dioxyde de titane par mesure de précaution, explique Annie Ferland, nutritionniste et docteur en pharmacie. Il ajoute qu’il est impossible de savoir si les craintes liées aux nanoparticules sont justifiées ou non. « La vraie question que nous devons nous poser est : pourquoi utilisons-nous du colorant alimentaire ? demande l’auteur du blog Science & Fourk. La peinture est uniquement destinée à la coloration. Il ne contribue en rien à la conservation, ne contribue en rien à la valeur nutritionnelle des aliments. Il n’a qu’un rôle esthétique, contrairement à certains additifs qui ont un effet sur la texture ou la conservation. Annie Ferland, nutritionniste et docteure en pharmacie Aleck Guès-Bergeron, qui a rédigé sa thèse sur les particules de dioxyde de titane, est également d’avis que l’additif, qui a une fonction “esthétique”, devrait être interdit au Canada, tant qu’il présente des risques pour la santé humaine. . « Est-il vraiment impératif que ce plugin soit publié ? Nous pensons à la chaîne alimentaire et au risque pour l’homme, mais une fois qu’il se retrouve dans l’environnement, nous n’avons aucune donnée sur les effets sur la faune et la flore », note-t-il. Au Canada, le dioxyde de titane apparaît souvent comme « colorant » sur la liste des ingrédients alimentaires. Si l’additif n’est pas interdit, la réglementation canadienne en matière d’étiquetage devra être resserrée, estime Ciprian-Mihai Cirtiu, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique (INSPQ). Le chercheur a participé à une étude visant à mesurer les concentrations de nanoparticules de dioxyde de titane dans les fluides corporels. La recherche a été présentée dans le “Top 5 des découvertes scientifiques de 2021” par le journal Le Soleil. Le terme “colorant alimentaire” ne dit pas si l’aliment contient du dioxyde de titane ou un autre oxyde métallique, ni la teneur, ni la concentration. À mon avis, les gens devraient savoir ce qu’il y a dans la nourriture. C’est notre droit de savoir ce que nous consommons, ce que nous mangeons. C’est notre droit de savoir. Ciprian-Mihai Cirtiu, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique (INSPQ)

Environ 450 modules complémentaires au Canada

Le dioxyde de titane n’est pas le seul additif interdit en Europe, mais il est approuvé au Canada. L’azodicarbonamide est utilisé ici comme agent de blanchiment dans certains pains, bagels, pâtes à pizza et pâtisseries, bien qu’il soit interdit depuis plus de 10 ans en Europe. En anglais, il est surnommé “yoga mat” car le composé chimique est utilisé dans la fabrication du polychlorure de vinyle (PVC). L’huile végétale bromée est également interdite dans la majeure partie de l’Europe, alors qu’elle est utilisée dans les boissons gazeuses aromatisées aux agrumes en Amérique du Nord. Des études ont montré qu’une exposition à long terme à cet ingrédient peut causer des maux de tête, des pertes de mémoire et des problèmes de coordination. Au Canada, environ 450 additifs alimentaires sont approuvés par Santé Canada, tandis que 320 sont autorisés en Europe. Dans la plupart des cas, les aliments sur lesquels ils peuvent être utilisés et les quantités autorisées sont strictement réglementés. Kevin James Wilkinson, professeur titulaire au département de chimie de l’Université de Montréal, affirme que les Européens sont particulièrement «proactifs» avec leur réglementation pour protéger la santé de leurs citoyens. “Les Européens, en général, veulent éviter les risques pour la population, alors qu’aux Etats-Unis c’est complètement l’inverse et ils sont très permissifs. Au Canada, nous sommes quelque part entre les deux, et nos règlements sont influencés par les deux. » Il n’en demeure pas moins que les chercheurs canadiens – et étrangers – ont été submergés par « une vague de produits chimiques qui ne cesse de monter », explique Aleck Gues-Bergeron. Mener une étude rigoureuse de chacun des additifs est une tâche colossale… voire impossible, dit-il. “Les agences gouvernementales chargées de ces recherches ont peu de chercheurs, peu de fonds et peu de temps”, déplore-t-il.