L’armée chinoise a entamé jeudi 4 août les plus grandes manœuvres militaires de son histoire autour de Taïwan, une réponse musclée à la visite de la présidente américaine Nancy Pelosi sur l’île. “Les exercices commencent”, a déclaré la télévision d’Etat chinoise CCTV dans un message publié sur le réseau social Weibo.
L’envoyé américain, qui est parti mercredi après être resté moins de 24 heures, a insisté sur le fait que les États-Unis n’abandonneraient pas l’île, qui est dirigée par un régime démocratique et vit sous la menace constante d’une invasion par l’armée chinoise. “Ceux qui insultent la Chine doivent être punis inévitablement”, a répondu à distance le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi.
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Selon le journal chinois Global Times, qui cite des analystes militaires, les exercices sont d’une ampleur “sans précédent”. “C’est la première fois que l’armée chinoise lancera des tirs réels et des tirs d’artillerie à longue portée au-dessus du détroit de Taïwan”, insiste le journal, connu pour son ton nationaliste.
“Un acte absurde visant à remettre en cause l’ordre international”
Par mesure de sécurité, l’Administration chinoise de la sécurité maritime a “interdit” aux navires d’entrer dans les zones touchées. Ces exercices se dérouleront dans diverses zones autour de Taïwan – parfois à seulement 20 kilomètres des côtes taïwanaises – et dureront jusqu’à dimanche midi.
« Si les forces taïwanaises entrent volontairement en contact avec [l’armée chinoise] et viennent tirer accidentellement, [l’armée chinoise] il répondra avec force et ce sera à la partie taïwanaise d’en assumer toutes les conséquences”, a déclaré à l’AFP une source militaire chinoise anonyme.
Les autorités de l’île ont dénoncé ce programme, rappelant qu’il menace la sécurité de l’Asie de l’Est. “Certaines des zones de manœuvre de la Chine empiètent (…) sur les eaux territoriales de Taïwan”, a déclaré Sun Li-fang, porte-parole du ministère taïwanais de la Défense, l’accusant d’”un acte absurde visant à défier l’ordre international”. “Le ministère de la Défense nationale souligne qu’il respectera le principe de préparer la guerre sans chercher la guerre”, a répondu le ministère dans un communiqué.
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Pour Pékin, ces exercices – ainsi que d’autres, plus limités, qui ont commencé ces derniers jours – sont “une mesure nécessaire et légitime” après la visite de Mme Pelosi. “Les États-Unis sont le provocateur et la Chine est la victime. La Chine est en état de légitime défense”, a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Hua Chunying aux journalistes. Les exercices visent à simuler un “blocus” de l’île et comprennent “l’attaque de cibles en mer, la frappe de cibles au sol et le contrôle de l’espace aérien”, a indiqué l’agence de presse officielle Xinhua.
L’UE condamne les manœuvres “agressives”
Le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a condamné jeudi les manœuvres militaires “agressives” de la Chine, affirmant qu’il n’y avait “aucune justification” pour utiliser “comme prétexte” la visite à Taïwan de la députée américaine Nancy Leader. Pelosi.
“Il est normal que des parlementaires de nos pays voyagent à l’étranger”, a-t-il tweeté depuis Phnom Penh, en marge d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean).
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Ses homologues de l’ASEAN ont averti que la situation autour du détroit de Taiwan pourrait conduire à un “conflit ouvert”, dans un communiqué conjoint publié peu de temps après.
« L’ASEAN est préoccupée par l’instabilité internationale et régionale, en particulier par les développements récents dans la région voisine de l’ASEAN, qui peuvent conduire à des erreurs de calcul, de graves confrontations, des conflits ouverts et des conséquences néfastes. imprévisible pour les grandes puissances”, ont-ils assuré. « Le monde a un besoin urgent de sagesse et de sens des responsabilités de la part de tous les chefs d’État pour soutenir le multilatéralisme (…) et la coexistence pacifique », ont-ils poursuivi.
Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi est à Phnom Penh jeudi, où il rencontrera des représentants de l’ASEAN. Son homologue américain, Anthony Blinken, a également fait le déplacement dans la capitale cambodgienne.
Si les arguments en faveur d’une invasion de Taïwan, qui abrite 23 millions d’habitants, restent peu probables, ils se sont multipliés depuis l’élection en 2016 de l’actuelle présidente, Tsai Ing-wen. Issue d’un parti indépendantiste, Mme Tsai refuse, contrairement au gouvernement précédent, de reconnaître que l’île et le continent font partie d’”une seule Chine”.
Le monde avec l’AFP