Posté à 5h00
                Ariane Krol La Presse             

Des soupçons, mais pas de déclarations offensantes

Nataly Ranger habite Pierrefonds, un quartier de banlieue typique, peuplé de maisons unifamiliales et d’enseignes invitant à « faire attention à nos enfants ». Lorsqu’elle a eu un fils prématuré, puis un autre né avec une fente palatine, au début des années 2000, cette mère de quatre enfants s’est interrogée sur les pesticides de synthèse utilisés sur les pelouses du quartier. Et il s’est impliqué dans des groupes réclamant leur interdiction. PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE Nataly Ranger, une résidente de Pierrefonds, s’est battue pour interdire les pesticides synthétiques à Montréal. « L’utilisation de pesticides sur le gazon est un mal inutile », plaide cet ingénieur en mécanique dans une présentation détaillée à la Ville en 2003. L’année suivante, Montréal adopte sa propre réglementation sur l’utilisation des pesticides, plus sévère que le code de gestion provincial. “On était contents, mais ensuite, on s’est rendu compte que rien n’était gagné. »

Ressources insuffisantes

Dans un premier temps, lorsqu’une herbe dégageant une forte odeur chimique lui a fait suspecter un pesticide interdit, Nataly Ranger l’a signalé à la municipalité. Il le fait beaucoup moins souvent désormais, troquant avec un édile, “une personne dévouée, mais qui semble manquer de moyens”. La municipalité ne s’en cache pas. La collecte de preuves et les processus d’émission d’un rapport et de poursuites judiciaires sont des étapes qui nécessitent du temps et des ressources que nous n’avons pas. Extrait du rapport annuel de la municipalité de Pierrefonds-Roxboro «Nous avons également du mal maintenant à amener les citoyens à émettre des avis dans un délai raisonnable. Pour ces raisons, depuis plus de 10 ans, nous n’avons émis aucune déclaration d’infraction relativement au règlement sur les pesticides », indique Pierrefonds-Roxboro dans son plus récent rapport annuel sur l’application du règlement de Montréal. Ce n’est pas par manque de méfiance. En 2019, une entreprise extérieure mandatée pour patrouiller certaines zones a signalé plusieurs infractions potentielles, dont un herbicide prohibé mélangé à un produit autorisé, une utilisation possible d’insecticides prohibés, ainsi que des pénuries, des indications incomplètes ou erronées. La majorité “ont été faites sous couvert d’un traitement naturel ou respectueux de la réglementation”, ce qui “met en danger la sécurité des familles de la commune et de leur animal de compagnie”, souligne la municipalité dans son rapport. Une intensification des inspections était prévue pour 2020, mais la pandémie a aidé le projet.

Pas un cas unique

Sur trois ans, de 2019 à 2021, seulement 23 avis d’infraction ont été émis pour l’ensemble des 19 municipalités, nous a indiqué la Ville de Montréal. Cependant, aucun rapport n’a été déposé, ce qui n’a entraîné aucune poursuite devant la cour municipale. Cela ne garantit pas que les terrains privés soient exempts de produits interdits, montrent les bilans consultés par La Presse. « L’absence d’infraction constatée quant à l’application de pesticides ne signifie pas que des infractions n’ont pas été commises sur notre territoire, mais si elles ont été commises, elles l’ont été à notre connaissance », prévient Villeray–Saint-Michel–Parc- Extension. Il est indéniable que de nombreux citoyens de la municipalité utilisent des pesticides sans permission lorsqu’on considère l’apparence de certaines pelouses. Extrait du rapport annuel de la municipalité d’Ahuntsic-Cartierville “Dans le secteur public, il y a très peu d’utilisation de pesticides. […] Par contre, sur les terrains privés, on ne peut pas tirer de conclusions puisqu’il y a eu peu ou pas d’inspections », note Montréal-Nord qui reconnaît n’avoir pas rendu de constat ni même d’avis depuis 13 ans. « L’enjeu majeur restera toujours la présence d’araignées chez les citoyens qui n’hésitent pas à faire appel aux entreprises de lutte antiparasitaire pour régler le problème », précise M. LaSalle. “Comme prévu en 2020, il serait souhaitable d’augmenter les moyens afin d’effectuer une surveillance accrue des entreprises d’entretien des pelouses et une plus grande sensibilisation du public”, plaide Saint-Léonard. Et si Saint-Laurent tient à « souligner que la majorité des entreprises semblent se conformer de plus en plus facilement à la loi », la municipalité juge « important de souligner qu’il est difficile d’obtenir les preuves nécessaires pour poursuivre les contrevenants ». Une situation familière pour Micheline Lévesque, présidente de Solutions Alternatives Environnement, qui a aidé de nombreuses municipalités à rédiger et faire appliquer des règlements anti-pesticides. « On se rend compte à quel point il est facile de perdre une affaire à cause d’un détail où il y a faiblesse et le juge a un doute raisonnable. C’est vraiment triste parce que cela demande tant d’efforts et d’argent », dit-elle, faisant référence aux tests de laboratoire qui coûtent « au moins 500 $ » par famille de pesticides et à la nécessité d’un témoin expert au tribunal. Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse

Pariez sur la nouvelle réglementation

La nouvelle réglementation annoncée par l’administration Plante en janvier dernier a attiré l’attention en interdisant 36 ingrédients actifs (dont le tristement célèbre glyphosate, connu sous le nom de marque Roundup), y compris au détail. Mais ce règlement vise également “un contrôle plus strict des applications commerciales”, a fait valoir un porte-parole de la ville, Gonzalo Nunez. Au lieu de permis temporaires, que les citoyens devaient obtenir auprès de leur municipalité mais que peu demandaient, Montréal a instauré un système de permis annuels, que les entreprises doivent obtenir auprès du Bureau de la transition écologique et de la résilience (BTER) de la ville. “Un applicateur commercial opérant sans permis annuel de la ville fait l’objet d’un avis d’infraction” et un propriétaire “qui ne respecte pas la réglementation peut voir son permis annuel révoqué”, a déclaré Nunez par e-mail, après que la Ville a refusé de être interviewé en tête-à-tête. Utiliser un produit interdit, utiliser un biopesticide autorisé sans respecter les conditions dictées par la réglementation (vitesse du vent, température, fermeture des fenêtres, enlèvement du matériel utilisé pour les enfants, le jardinage ou les loisirs) ou tout simplement en omettant de transmettre à votre registre l’utilisation des pesticides par la Municipalité au la fin de l’année peut entraîner la révocation de la licence. Il est important de bien distinguer les mécanismes de la nouvelle réglementation de ceux de l’ancienne, a souligné M. Nunez.

“Plus surveillé”

Ce nouveau système de permis annuel est «un gros plus», a déclaré le chef du Service des parcs et de l’environnement de Pierrefonds-Roxboro, Nickolas Gagnon, en entrevue téléphonique. Si vous n’avez pas votre permis, nous pouvons vous insulter. Déjà les entrepreneurs se sentent plus surveillés, [qu’ils] savons que nous allons faire des interventions, je pense que cela va nous aider. Nickolas Gagnon, chef de section, Parcs et environnement, Pierrefonds-Roxboro « De nouvelles ressources sont nécessaires si la municipalité veut faire une différence lors de la mise en œuvre de la nouvelle charte en 2022 », a noté Pierrefonds-Roxboro dans son rapport sur la mise en œuvre de la charte précédente. « Oui, nous avons plus de pouvoir, mais malheureusement, je n’ai pas eu de budget supplémentaire du centre-ville pour ce mandat. Ajouter…