Posté à 17h00
Gabriel Béland La Presse
(Québec) Éric Duhaime gare sa vieille Sentra beige dans une rue luxueuse d’une banlieue de Québec. Il sort de la voiture, suivi de près par le chien de Mia, puis se dirige rapidement vers la grande maison du présentateur de Radio X, Jeff Fillion. Il entre sans frapper. C’est une journée importante pour le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), qui ne cesse de monter dans les sondages. L’après-midi du 5 avril, il devait annoncer sa candidature pour le district de Sovo, au nord de la capitale. “Je suis un peu inquiet”, admet Duhaime au co-animateur de Fillion, Gerry Pizza. Le chef conservateur est en territoire occupé sur Radio X. L’entrevue, qui se déroule dans un studio équipé chez Fillion, est conviviale. “Félicitations au député de Sow, Éric Duhaime”, a lancé Jeff Fillion, comme si le candidat avait gagné. Les deux hommes ont ensuite critiqué un départ de la députée Solidarité Catherine Dorion, qui a déclaré que la hausse du PCQ dans les sondages était due à « Duhaime [est à Radio X] Presque tous les jours. “Les animateurs lui font de la publicité gratuite tous les jours.” Éric Duhaime pense que c’est trop. Selon ses calculs, il est invité à la populaire station québécoise environ trois fois par semaine depuis qu’il a choisi de quitter le monde des médias pour prendre la tête du parti en avril 2021. Depuis, il parie sur des attaques constantes contre les mesures sanitaires et un discours classique de droite – réduction de la taille de l’État, baisse des impôts, exploitation des hydrocarbures…
PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE Éric Duhaime s’entretient avec des candidats du PCQ quelques heures avant l’annonce officielle de sa candidature dans Chauveau. PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE Ici avec la députée Claire Samson
1/2 Éric Duhaime s’entretient avec des candidats du PCQ quelques heures avant l’annonce officielle de sa candidature dans Chauveau. Ici avec la députée Claire Samson Son pari est simple : fédérer les mécontents des cages et des orphelins politiques de la droite pour surprendre aux élections du 3 octobre. “Celui qui a donné de l’espace politique au PCQ, son meilleur bénévole, c’est François Legault”, a déclaré Duhaime en entrevue avec La Presse. « Il parlait comme un ADQ et il le faisait comme un PQ. »
Une bête politique
Ce jour-là, les parents d’Éric Duhaime sont venus de Laval, où il a grandi, pour assister à la grande fête à Chauveau. Il est rejoint chez lui à Saint-Sacrement, Québec. Assis à la table de la cuisine, Henri Duhaime et Ginette Lapointe racontent comment ils ont tout fait pour persuader leur fils de ne pas se présenter à la direction du PCQ, en vain. Le couple a longtemps eu une entreprise à risque. “On a toujours été très libéraux, pas dans le sens d’un parti politique, là ! Au sens philosophique », note la mère d’Eric. PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE Adolescent, leur fils avait collé une affiche du Premier ministre britannique Margaret Thatcher dans sa chambre. « À 12 ans, il lit La Presse d’un bout à l’autre. Il est allé dans une école privée avec la cravate, la veste. Il rentrait de l’école et j’ai dit : “Eric, va te changer.” N’a pas changé. “Il a dîné avec une veste”, se souvient sa mère. De retour dans le salon est assise la femme d’Eric Duhaime. Ils sont ensemble depuis dix ans. Le journaliste lui montre le véhicule que conduisait sa compagne, loin des bolides de course que l’on imagine conduire par d’anciens animateurs radio. Éric Duhaime ne s’est jamais intéressé aux grosses voitures, dit-il. “Il ne l’avait même pas quand je l’ai rencontré”, se souvient sa femme, un homme discret qui ne donne pas d’interviews et préfère rester anonyme. Mais l’ancien animateur de radio, qui vient d’avoir 53 ans, adore l’immobilier. Il est fier de savoir gérer son argent. Il a maintenant cinq propriétés. PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE Jeune homme sérieux, Éric Duhaime a débuté comme militant au Parti Québécois à Laval, a étudié les sciences politiques puis est allé à l’École nationale d’administration publique (ENAP) pour sa maîtrise. C’est ici que s’articule sa pensée libérale de droite, au contact de quelques enseignants. Fou de politique, il a été embauché comme conseiller politique au Bloc Québécois avant de se joindre au jeune candidat à la chefferie de l’Alliance canadienne Stockwell Day. Il a une capacité rare à être gentil, mais aussi stratégique en même temps. Il comprend ce que les gens veulent, il le ressent. Stockwell Day, ancien chef de l’Alliance canadienne Éric Duhaime a renversé le pouvoir québécois après le deuxième référendum, a été renversé par l’Action démocratique du Québec (ADQ) et embauché comme conseiller par Mario Dumont en 2003. Il s’est même présenté cette année-là à l’hippodrome de Deux-Montagnes. Terminé troisième. L’ancien secrétaire à la Justice Marc Bellemare connaissait bien M. Duhaime à l’époque. Il a été embauché comme conseiller en 2005 lors de sa candidature perdue à la mairie de Québec. “Ce qu’il incarne, c’est un droit sans entrave. Il n’a pas peur de parler d’un homme de droite. “C’est unique dans notre histoire récente”, a déclaré Me Bellemare en entrevue. “On a souvent vu des gens de droite avant les élections, qui gouvernent à gauche après. Jean Charest, c’était ça. « François Legault, c’est ça », a dit celui qui a été ministre dans le gouvernement Charest. “Je pense qu’Eric est un homme de droite. Il a toujours été fidèle à ses convictions et il l’est encore aujourd’hui. » PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE Éric Duhaime en conférence de presse avec Marie-Victorin candidate PCQ Anne Casabonne
“Il peut se tirer une balle dans la jambe”
La carrière de ce conseiller politique prend une tournure inédite au milieu des années 2000. Éric Duhaime est mandaté par l’ONG National Democratic Institute pour l’emmener au Maroc, en Mauritanie et en Irak pendant des années. De retour au pays à l’été 2009, Éric Duhaime décide que la meilleure façon de promouvoir ses idées libérales est de sortir de l’ombre. Il allait essayer d’envahir les médias. L’ami de Frédéric Têtu raconte dans une récente biographie d’Éric Duhaime que les deux hommes s’étaient rencontrés chez lui pour faire un plan. Éric Duhaime se fera un nom à la radio puis tiendra une chronique dans un journal québécois. C’est exactement comme ça que les choses se sont passées. C’est l’animateur Jérôme Landry, alors à Radio X, qui lui a proposé d’être embauché comme chroniqueur politique à l’émission du matin. Cette station québécoise a largement lancé la carrière médiatique d’Éric Duhaime. PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE “Eric, je le considère comme un intellectuel de droite et un populiste. C’est un mec extrêmement malin, mais aussi populiste en même temps”, note Jérôme Landry, désormais animateur à FM93. Malgré son respect pour lui, M. Landry croit que M. Duhaime a fait du chemin…