LE PRESIDENT – Marin Le Pen a-t-il réussi à “diaboliser” son programme financier et à le rendre plus crédible ? Axant sa campagne sur le pouvoir d’achat, “la redistribution et la protection sociale”, Marin Lepen s’est qualifiée pour le second tour de l’élection présidentielle avec 23,2% des suffrages le 10 avril. Mais le programme économique et budgétaire du candidat continue de susciter de vives attaques de la Macronie et des critiques de la grande majorité des économistes. Ce dernier pointe, à son tour, devant la presse le danger d’un “Frexit” finement couvert – malgré le refus de sortir de l’euro – et d’un programme trop coûteux, insuffisamment quantifié et incontrôlé pour les finances publiques et la dette. alors qu’il ne viole tout simplement pas la Constitution. En réponse, la candidate insiste sur le fait que son programme est “travaillé” et “équilibré” au niveau budgétaire. “Son programme nous pousse tout droit hors de l’Union européenne, c’est une forme de ‘Frexit’ fiscal, même s’il ne le dit plus”, a déclaré au HuffPost Éric Heyer, économiste et membre du Conseil supérieur des finances publiques et directeur. de la Direction de l’Analyse et de la Prévision de l’OFCE (Observatoire des Conjonctures Economiques). “Pour le reste, ça fait des posts sociaux, mais en réalité on reste sur une ligne libérale, car ses mesures de TVA concernent tous les Français. Ce ne sont pas des flèches et elles sont destinées à ceux qui en ont le plus besoin. “Cela risque en fait de conduire à une économie à deux vitesses, car certains les utiliseraient plus ou mieux que d’autres.”

Réforme des retraites, mais où est la garantie de sérieux fiscal ?

C’est l’écart financier le plus visible entre les deux candidats. Marin Le Pen veut relever l’âge légal de la retraite à 60 ans pour les Français qui ont commencé à travailler avant l’âge de 20 ans. En tout cas pour ceux qui ont validé au moins 40 annuités. Depuis février, en revanche, il a procédé à des ajustements pour tous les autres : ceux qui sont entrés dans la vie active entre 20 et 24,5 ans pourraient en sortir entre 60 et 3 trimestres et 62 ans, même au niveau de l’âge légal et pas forcément. au plein tarif. Le système serait inchangé pour les autres, en particulier ceux qui ont des carrières instables. Ainsi, de nombreuses personnes seront concernées par l’abaissement de l’éventuel âge légal de départ à la retraite. Selon les statistiques ministérielles, 70 % des validations du premier trimestre se sont faites, en moyenne, à 22,3 ans pour la tranche d’âge des 1982 ans, qui a aujourd’hui 40 ans. Le candidat entend également moduler ses pensions en fonction de l’inflation et porter le seuil de vieillesse à 1 000 €. “Le candidat propose un retour à la situation d’avant 2003 en termes d’âge et de nombre de trimestres requis pour la retraite à taux plein”, résume l’Institut Montaigne, qui réclame un coût très élevé de cette réforme. Le think tank libéral, réputé proche du patronat, réévalue le coût de cette mesure par rapport au chiffrement RN, le faisant passer de 9,6 milliards d’euros par an à 26,5 milliards. “Son plan de retraite, comme celui de beaucoup d’autres candidats, n’est pas assez précis pour être évalué. “Mais c’est la direction qu’il veut prendre et le signal qu’il envoie est le plus important”, répond Éric Heyer. “Comme Emmanuel Macron, Marin Le Pen promet de nouvelles baisses d’impôts, mais pour les financer, elle propose une baisse de la contribution budgétaire européenne de 5 milliards, ce qui serait une ligne rouge pour l’UE.” Pour financer sa réforme, la candidate propose également d’exclure les étrangers des avantages sociaux voire des nouvelles économies dans le budget dont disposent certaines agences gouvernementales. « Au contraire, la réforme (très impopulaire selon les sondages, ndlr) proposée par Emmanuel Macron est facilement quantifiable. “En dehors des effets possibles sur le chômage ou l’assurance maladie, quand on recule d’un an l’âge de la retraite, on gagne désormais 7 milliards d’euros chaque année.” Une réforme des retraites est nécessaire pour sauver notre système de retraite par répartition, actuellement déficitaire. Pour ce faire, l’âge légal de la retraite doit être reporté. #LeMatin 1/3 — Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) 12 avril 2022 “On peut prioriser et s’attaquer à d’autres ressources potentielles, comme la lutte contre l’évasion fiscale, le problème c’est que c’est plus difficile, parce que hors radar et gagner 1 milliard, comme tout au long des cinq années en cours, ça s’annonce pas mal déjà. “En dehors de l’enjeu politique, quand on prône une réforme des retraites, c’est beaucoup moins discutable au niveau budgétaire.” “C’est aussi une manière de garantir le contrôle budgétaire à nos partenaires européens et à l’Allemagne, même si le Pacte de stabilité a été suspendu jusqu’en 2023 à cause du Covid et de la guerre en Ukraine.”

Un vague “quoi qu’il en coûte” en pouvoir d’achat

Cela a été au centre de la campagne de RN et de la reprise politique et économique depuis qu’elle a pris ses fonctions. Marin Lepen est présenté comme un “candidat pouvoir d’achat”. Pour étayer sa position, la candidate propose la réduction de la TVA sur les carburants de 20 à 5,5 % et la mise à 0 % des 100 produits dits alimentaires et de santé essentiels. Le candidat comprend “des fruits et légumes, du sel, du poivre, de l’huile, du pain, des pâtes, des serviettes hygiéniques ou des couches pour bébés”, mais sans liste figée. Objectifs publiés ? Lutter contre une inflation supérieure à 1%, “rendre l’argent aux Français” et éviter “l’appauvrissement des classes moyennes”, assure-t-il. Déficit estimé pour les caisses de l’Etat ? 3,5 ou 4 milliards d’euros par an, selon le candidat qui financerait ce geste fiscal avec une surtaxe sur certaines sociétés cotées. La proposition, dévoilée peu avant le premier tour, avait été réclamée par de nombreux gilets jaunes lors du grand débat en 2019. Un ancien conseiller de la Cour des comptes, citant Le JDD, a estimé la mesure à 11 milliards de dollars pour seulement 50 produits. “Une baisse de la TVA sur les couches pour bébés permettrait au consommateur d’économiser au mieux 3 centimes par paquet, mais ferait perdre 240 millions aux finances publiques”, a-t-il ajouté. 📹 Si je réduis la TVA sur le fioul, le fioul, le gaz et l’électricité et dans un panier avec une centaine de produits de base, les classes moyennes en profiteront ! Les classes moyennes ne profitent jamais de rien et s’appauvrissent. #Les4V pic.twitter.com/27PpdIKeS5 — Marine Le Pen (@MLP_officiel) 14 avril 2022 La réduction de la TVA à moins de 5% a été interdite dans l’UE jusqu’à la fin de 2021 pour éviter le dumping fiscal entre les pays membres, même sur les denrées alimentaires. Mais une nouvelle directive, signée le 5 avril par les 27 après quatre ans de discussions, permet de fixer ponctuellement des taux réduits sur certains produits. “Le problème, c’est que l’essence, le fioul ou le gaz ne sont pas inclus dans cette nouvelle directive car ce sont des produits polluants. “Ce seraient les plus gros pollueurs qui en profiteraient le plus”, explique Éric Heyer. L’économiste ajoute que “ce n’est pas parce qu’on baisse la TVA que les producteurs vont baisser les prix. “Il faut des mesures plus restrictives ou ciblées pour les ménages ou les entreprises fragiles qui n’ont pas d’autre choix (…) 90% de la baisse de TVA sur les restaurants en 2009 est allée dans les poches des restaurants et de leurs salariés et non dans les clients”, a-t-il ajouté. , citant une étude menée en 2018 par l’Institute of Public Policy. La société indépendante Asterès estime qu’un taux d’intérêt nul sur 100 produits de première nécessité aurait un effet relativement modeste sur les portefeuilles français : 13 € par an et par foyer, soit une “hausse de 0,3 % du pouvoir d’achat”. La mesure favoriserait, encore une fois, ceux qui achètent le plus.

Il n’y a pas de taxe pour les moins de 30 ans, n’est-ce pas ?

C’est l’autre mesure fiscale importante proposée par Marine Le Pen : exonérer tous les Français de moins de 30 ans de l’impôt sur le revenu pour les empêcher de partir à l’étranger. Les plus riches, comme Kylian Mbappé – qui gagne plus de 2 millions d’euros par mois au PSG – ou les commerçants bénéficieront donc de la mesure. Là encore problème majeur, le candidat risquerait d’être récusé par le Conseil constitutionnel au nom du principe d’égalité devant l’impôt entre les citoyens. Cette égalité n’est ni réelle ni absolue (seulement 43% des Français paient l’impôt sur le revenu, par exemple), mais des dérogations ne peuvent être accordées que pour des raisons “d’intérêt général”. Sa mesure aurait “de grandes chances” d’être contestée, selon les constitutionnalistes. Et comme nous l’explique l’un d’entre eux, Jean-Philippe Derosier, tenir un référendum, notamment sur cette question, ne…