Les arguments juridiques ont certes peu de poids dans une campagne électorale, mais si Marin Le Pen est élu à la présidence de la République, elle devrait finir par les assembler. D’autant que le point est crucial : le candidat de la Coalition nationale, dès son arrivée à l’Elysée, entend réviser la Constitution pour instaurer une “priorité nationale” et économiser “16 milliards d’euros” dans les services aux étrangers – probablement 6 milliards. en fait, selon nos informations. S’il ne parvient pas à imposer son référendum, il risque d’avoir un fameux trou dans son budget. Or, ce référendum est clairement inconstitutionnel et le passer par la force serait, selon de nombreux juristes, un “coup d’État constitutionnel”. Le projet de loi sur le référendum sur la priorité nationale, qui a déjà été rédigé et rendu public, est en effet résolument contraire à la Constitution : il contredit la Déclaration des droits de l’homme de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 (qui fait partie de la bloc constitutionnel), et est contraire à au moins six articles clés de notre Loi fondamentale. Marin Lepen ne dit pas le contraire, et entend donc changer la Constitution. Lire aussi : Article pour nos abonnés Marin Le Pen veut gouverner par référendum en contournant le Parlement et le Conseil constitutionnel
C’est évidemment possible. Il y a eu dix-neuf révisions constitutionnelles sous la Vème République, mais le processus prévu à l’article 89 est lourd – et heureusement : « Il ne faut y toucher que d’une main tremblante », disait Montesquieu. L’Assemblée nationale et le Sénat doivent d’abord voter le projet de révision dans les mêmes termes. Les deux chambres, réunies en Congrès, doivent alors voter à la majorité des trois cinquièmes, sinon le projet de loi doit être approuvé par référendum – ce qui n’est arrivé qu’une seule fois, en 2000, pour réduire le mandat présidentiel à cinq ans.

Obstacle sérieux

Ce référendum prévu à l’article 89 est inaccessible à Marin Le Pen. Même s’il avait obtenu la majorité à l’Assemblée, le Sénat n’aurait jamais voté un texte compatible – le groupe Les Républicains compte 146 membres sur 348 et Marin Le Pen a perdu son seul sénateur, qui est allé à Eric Zemour. Il reste un autre référendum, prévu à l’article 11. Le général de Gaulle y a recouru à deux reprises, en 1962, pour élire le président de la République au suffrage universel puis en 1969 pour imposer une réforme du Sénat. L’échec de ce dernier l’avait conduit à démissionner : le référendum a toujours une dimension référendaire. Lire aussi : Le référendum proposé par Marin Lepen, une rupture avec les autorités démocrates
La manœuvre, en 1962, avait également suscité un tollé. Gaston Monnerville, le président du Sénat et, au départ, plutôt gaulliste, avait parlé d’une “chute” pour le premier ministre, Georges Pompidou, qui avait signé le plan. « Forfaiture », mot terrible pour un élu, désigne le crime d’un agent public dans l’exercice de ses fonctions. Il ne vous reste plus qu’à lire 59,06% de cet article. Ce qui suit est réservé aux abonnés.