“Soyez prévenus que les chiens afghans ont trouvé la chair de vos soldats délicieuse. Alors continuez à en envoyer des milliers.” Ces mots, illustrant la radicalité de caractère, ont été choisis par Ayman al-Zawahiri pour s’adresser au président Barack Obama lors de son élection en novembre 2008 à la Maison Blanche. Devenu numéro un d’Al-Qaïda en 2011 avec la mort d’Oussama ben Laden, ce chirurgien égyptien a finalement été tué à 71 ans par une frappe américaine qui a eu lieu dimanche à Kaboul. Une opération qui a mis fin à une vie vouée à une vision extrémiste de l’islam et à un seul objectif : tuer des « infidèles ». Marqué comme le cerveau derrière le 11 septembre, sa mort a été présentée lundi soir par Joe Biden comme une opportunité pour les proches des victimes de “tourner la page”. Ayman al-Zawahiri était, pour de nombreux spécialistes du terrorisme et de la mouvance islamique, l’épine dorsale idéologique d’al-Qaïda, ayant apporté au mouvement de Ben Laden – dont il ne manquait ni de charisme ni de richesse – un contexte politique et religieux.

Chirurgien formé

Se distinguant par le bleu sur son front, signe d’une pratique intense de la prière, Ayman al-Zawahiri est né le 19 juin 1951, dans la banlieue du Caire, dans une famille de hauts fonctionnaires égyptiens. Son père, professeur de pharmacologie, avait pour oncle un ancien grand imam de la mosquée Al-Azhar, l’un des plus célèbres centres d’enseignement islamique au monde. Son grand-père maternel était président de l’Université du Caire et ancien ambassadeur. Après avoir d’abord suivi les traces de son père, Ayman al-Zawahiri, brillant élève, décide d’étudier la médecine à l’université du Caire et obtient une maîtrise en chirurgie en 1978. Mais son éducation religieuse a commencé bien plus tôt. A seulement 15 ans, il participe en 1966 à la formation d’une cellule militante illégale, avec la volonté de renverser le régime laïc de son pays d’origine. En 1967, comme nombre de ses compatriotes, il est choqué par la défaite des pays arabes face à Israël lors de la guerre des Six Jours. Sa vision de l’islam est également profondément influencée par sa lecture de Sayyid Qutb, un penseur et activiste islamique qui voit le monde comme divisé en deux pôles, avec les croyants d’un côté et les incroyants de l’autre, qui comprend des musulmans modérés. Après avoir obtenu son diplôme de chirurgien, Ayman al-Zawahiri a travaillé pendant une courte période dans le duplex de ses parents puis a travaillé dans une clinique du Caire soutenue par les Frères musulmans. Il a d’abord quitté l’Égypte pour servir comme officier au Pakistan afin de s’occuper du Croissant-Rouge pour les réfugiés fuyant l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Parallèlement, il rencontre Azza Ahmed Nowari, qu’il épouse en 1979. En 2011, cette dernière, également adepte d’une vision extrême de l’islam, refuse en octobre 2001 d’être secourue par des hommes après un attentat à la bombe à Kaboul, comme elle gisait sous les ruines, de peur qu’ils ne voient son visage découvert. Il mourra sous les décombres.

Le médecin personnel de Ben Laden

En 1981, il a été arrêté pour la première fois pour son rôle dans la tentative d’assassinat du président égyptien de l’époque, Anwar el-Sadate, qui a été condamné dans les rangs islamistes pour avoir signé les accords de paix de Camp-David avec Israël. En prison, il est torturé à de nombreuses reprises, à tel point qu’il finit par révéler le nom d’un de ses associés. La New York Times assure que Zawahiri décide de quitter l’Egypte notamment à cause de cette trahison. Il se rend en Arabie saoudite, avant de retourner au Pakistan en 1986. Il y rencontre Oussama ben Laden, le fils d’une riche famille saoudienne, dans un hôpital où le terroriste donne des conférences. Ayman al-Zawahiri deviendra d’abord le médecin personnel de Ben Laden, avant que les deux hommes ne participent mutuellement à leur construction idéologique. Oussama Ben Laden et Ayman al-Zawahiri. © AFP “Quand Ayman rencontre Ben Laden, cela crée une révolution en lui”, a-t-il expliqué à New yorkais l’Égyptien Montasser al-Zayat, avocat de nombreux militants islamistes et ancien prisonnier de Zawahiri ; Par la suite, l’Égyptien a publié plusieurs textes, confirmant son statut d’idéologue en chef d’Al-Qaïda, dont certains étaient destinés aux militants, leur expliquant la tâche de tuer des citoyens américains dans le monde. Elle a aussi la délicate tâche de justifier les errances idéologiques du mouvement terroriste, alors que l’Islam interdit le meurtre d’innocents et le suicide.

Il a inondé le métro de New York avec du cyanure

Zawahiri est allé avec Ben Laden au Soudan au début des années 1990. Les deux hommes ont été accueillis par le gouvernement de l’époque, alors que les mouvements islamistes se désintégraient en Afghanistan. Zawahri a planifié plusieurs attentats, dont un échec contre le Premier ministre égyptien ou l’ambassade d’Égypte à Islamabad, au Pakistan, en novembre 1995. En 2003, il envisage même d’inonder le métro new-yorkais de cyanure, mais abandonne l’idée, jugeant le procédé “pas assez inspirant”. De même, il lance un vaste programme d’armes biologiques en Afghanistan, envoyant ses partisans à la recherche de scientifiques et de souches mortelles de bactéries responsables de l’anthrax. Puis, en 1996, il tente d’entrer en Tchétchénie, république à majorité musulmane affiliée à la Fédération de Russie. Cependant, il a été arrêté à la frontière par les Russes, qui l’ont finalement relâché, sans le reconnaître.

Il a mis sa tête à prix

Après les attentats du 11 septembre, dont il est présenté comme le cerveau, il continue de jouer son rôle d’idéologue du mouvement, publiant de nombreux sermons et vidéos, caractérisés par sa monotonie. À la mort de Ben Laden, il a bien sûr été nommé successeur de l’Arabie saoudite, après un mois de silence radio de l’organisation. Il devient alors l’un des terroristes les plus recherchés au monde et sa tête porte une étiquette de prix de 25 millions de dollars de Washington. Il est déclaré mort à plusieurs reprises, mais finit toujours par réapparaître dans les enregistrements. Dans son premier discours depuis la mort de Ben Laden, il laisse entendre dans une vidéo de 28 minutes que son ancien chef continuera à “terroriser” l’Amérique. “Blast to blow”, promet-il. Son règne à la tête d’Al-Qaïda a été marqué par la montée en puissance de l’État islamique et l’affaiblissement de sa propre organisation. En 2015, préparant sa succession et voulant remobiliser les troupes, il décide de présenter publiquement Hamza ben Laden – qui serait mort en 2017 ou 2018 – l’un des fils d’Oussama. Il souhaite faire de lui l’héritier de son père. Ce dernier aurait épousé l’une des filles d’al-Zawahri, comme l’indique le New York Times. Enfin, après s’être caché dans des zones reculées du Pakistan et d’Afghanistan, Ayman al-Zawahiri semble avoir profité de l’arrivée au pouvoir des talibans à Kaboul l’été dernier pour faire fortune grâce à ses habitudes sécuritaires. Dimanche, il a été tué par un drone américain alors qu’il se trouvait sur son balcon au cœur de la capitale afghane.