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                Amber WANG, avec Ludovic EHRET à Pékin Agence France-Presse             

Le séjour de Mme Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, est vécu comme un “défi” par Pékin, car Washington s’était engagé à ne pas avoir de relations formelles avec le territoire insulaire revendiqué par la Chine. En réaction, la diplomatie chinoise a annoncé vendredi soir la “suspension” de nombreuses coopérations avec les Etats-Unis, notamment dans les domaines de la justice, de la lutte contre la drogue, mais aussi du changement climatique. Les deux pays, les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre en valeur absolue, avaient pourtant signé un accord surprise sur le climat lors du sommet COP26 de Glasgow l’an dernier. Sur le front militaire, la Chine a poursuivi samedi les plus grands exercices jamais organisés autour de Taïwan. Ils doivent durer jusqu’à dimanche midi (04h00 GMT) et sont présentés comme des entraînements pour un “bloc” de l’île. Les autorités taïwanaises ont annoncé samedi avoir repéré de “multiples” avions et navires chinois dans le détroit de Taïwan entre l’île et la Chine continentale. “Certains d’entre eux ont franchi la ligne médiane” qui coupe le détroit en deux et “seraient en train de mener une simulation d’attaque contre l’île principale de Taïwan”, a déclaré le ministère taïwanais de la Défense. L’armée chinoise a annoncé avoir déployé la veille des chasseurs, des bombardiers et plusieurs destroyers et navires d’escorte pour participer à ces manœuvres qui se sont déroulées “jour et nuit”, a-t-il précisé.

Vidéo du poste de pilotage

Une mise en garde adressée au président taïwanais, par un parti indépendantiste, et aux États-Unis, que Pékin accuse de “trahir” sa parole en renforçant ces dernières années les relations avec les autorités taïwanaises. L’armée chinoise a diffusé une vidéo dans la nuit de vendredi à samedi d’un pilote de l’armée de l’air filmant depuis son cockpit la côte et les montagnes de Taïwan. Des images impressionnantes censées démontrer la capacité de Pékin à se rapprocher très près des côtes de l’île. Pour la première fois, des missiles ont survolé Taïwan lors de ces exercices militaires, a rapporté la télévision d’État chinoise CCTV. Cependant, ni l’armée chinoise ni l’armée taïwanaise n’ont confirmé cette information. Du côté de Taipei, les autorités ont dénoncé les agissements de leur “voisin malveillant” et annoncé que 68 avions et 13 navires militaires chinois avaient franchi vendredi la “ligne médiane”. Dessinée unilatéralement par les États-Unis pendant la guerre froide, cette ligne n’a jamais été reconnue par Pékin. L’ampleur des exercices a suscité la condamnation des pays du G7, des États-Unis et de leurs alliés. La Maison Blanche a convoqué l’ambassadeur de Chine, Qin Gang, pour critiquer le comportement jugé “irresponsable”. La décision de Pékin de suspendre le dialogue sur le climat avec Washington a suscité une nouvelle vague de critiques. “C’est évidemment inquiétant”, a déclaré Alden Meyer, analyste au groupe de réflexion E3G, spécialisé dans le changement climatique. « Il est impossible de faire face à l’urgence climatique si les deux principales économies et les deux plus grands pollueurs n’agissent pas, et il est toujours préférable qu’ils le fassent ensemble. »

“Irresponsable”

Le porte-parole de la sécurité nationale américaine, John Kirby, l’a accusé vendredi d’une décision “fondamentalement irresponsable”. “La Chine ne punit pas seulement les États-Unis, elle punit le monde entier”, a-t-il ajouté. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exprimé sa déception. Pour lui, “il est impossible de résoudre les problèmes les plus pressants du monde sans un dialogue et une coopération efficaces entre les deux pays”, a déclaré son porte-parole. Avec des tensions Chine-Taïwan à leur plus haut niveau depuis près de 30 ans et un risque de conflit militaire certes mesuré, la détérioration des relations Pékin-Washington pourrait être permanente, notent les experts. “La relation américano-chinoise est actuellement dans un très mauvais état”, déclare Bonnie Glaser, spécialiste de la Chine au German Marshall Fund, un groupe de réflexion américain à Washington. Il cite comme “particulièrement inquiétante” la suspension d’accords de coopération cruciaux pour la stabilité de la région, comme celui sur la coopération militaire maritime visant précisément à entretenir l’escalade. Pour Mme Glazer, les Etats-Unis ont sans doute “sous-estimé” la colère de l’opinion publique chinoise. La plupart des analystes s’accordent cependant à dire que malgré ces exercices militaires, Pékin ne souhaite pas d’affrontement armé pour l’instant.