“Quand je suis arrivé au cabinet du médecin, j’ai dit:” J’ai trois choses. Il a dit: “Non! Nous n’en aurons qu’un!” » — Une citation de Louise, une patiente Je me suis dit : “Non ! Non ! Non ! Ce n’est pas vrai que je reviendrai ici trois fois !” Alors, dans la même phrase, je lui ai raconté tous mes problèmes : j’ai mal au clitoris, à la vulve, et j’ai des lésions à une fesse, raconte-t-elle. Louise est également heureuse d’avoir persévéré car ses trois problèmes de santé étaient tous liés et ont mené au diagnostic final : le zona. J’imagine! J’aurais pu quitter le cabinet du médecin avec un zona non traité ! Le zona n’est rien ! le patient est rancunier. Danny a pris rendez-vous dans une clinique de Sainte-Julie, à environ 20 kilomètres de chez lui. Il avait des problèmes respiratoires. Il dit qu’après avoir examiné ses poumons, qui a duré environ cinq minutes, le médecin n’a trouvé aucun problème majeur. Rassuré, il tente de lui parler de son deuxième problème de santé. « Je voulais lui parler de mon psoriasis parce que j’avais de nouvelles plaques sur mon bras. Il a dit : « Non ! Nous devons prendre un autre rendez-vous. J’ai été surpris que cela vienne d’un médecin! » — Une citation de Danny, un patient Cependant, selon lui, il ne s’agissait que d’une refonte d’une ordonnance pour une crème à la cortisone. Sur les réseaux sociaux, les témoignages similaires se multiplient.
Un médecin a refusé de me donner une ordonnance sans prendre un nouveau rendez-vous programmé des semaines plus tard, j’ai donc dû me passer de traitement en attendant le nouveau rendez-vous, raconte un usager. Un médecin de famille a déjà refusé à ma mère de traiter ses trois demandes de consultation. Il lui a dit que “lorsque vous prenez un rendez-vous d’urgence, vous ne choisissez qu’un seul motif de consultation”. Elle a donc dû reprendre rendez-vous pour ses autres problèmes médicaux, selon un autre témoignage recueilli sur Facebook. C’est deux fois avec deux médecins différents qui m’ont dit que j’avais juste le droit de parler d’un problème, déplore une autre personne sur le réseau social. Selon les rapports, dans certaines cliniques, c’est la réceptionniste qui prévient le patient qu’un seul sujet peut être discuté avec le médecin, parfois c’est l’infirmière, mais souvent c’est le médecin qui lui dit – même le patient de se limiter à un problème. Certaines cliniques ont même imprimé un formulaire où le patient doit inscrire l’unique raison de sa présence.

Médecine de la restauration rapide ! »

C’est la médecine du fast-food ! Ce n’est pas une table d’hôtes ! On reçoit un article et c’est fini ! déclare Régis Blais, professeur au Département de gestion, d’évaluation et de politiques de santé de l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Cela permet-il à plus de patients d’être vus par un médecin? Peut-être, mais ce n’est pas la bonne façon de procéder. Un patient qui se présente au rendez-vous et qui n’a pas de médecin de famille peut avoir besoin d’un bilan de santé, peut avoir un problème aigu. Si on parle d’un médecin de famille, il devrait s’occuper de toute la personne, ajoute-t-il. Un patient ne devrait pas prioriser ses problèmes de santé, selon Régis Blais, professeur associé au Département de gestion, d’évaluation et de politiques de santé de l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Photo : Radio Canada De plus, le patient ne doit pas donner la priorité à ses propres problèmes de santé, estime le professeur. Le patient n’est pas toujours le mieux placé pour dire quel est le problème le plus pressant. Peut-être que le patient souffre d’hypertension artérielle mais se présente pour un ongle incarné ou une infection de l’oreille, un problème mineur qui semble le plus urgent mais pas le plus important. Et s’il doit revenir dans quelques semaines ou mois pour le soigner, le problème a peut-être empiré, explique-t-il. Écoutez le reportage de Karine Mateu dans l’émission L’heure du monde, diffusée sur Ici Première.

Obligations morales

L’avocat de la santé Patrick Martin-Ménard juge cette pratique inacceptable. Il est totalement non professionnel de limiter l’état d’un patient à un seul problème. De cette façon, le médecin se prive d’informations qui pourraient être d’une grande valeur pour diagnostiquer correctement le patient et l’orienter vers les autorités compétentes. Cette façon de se comporter est donc incompatible avec les obligations déontologiques du médecin, dit-il. Selon lui, ce remède rapide n’est pas sans risque. Au final, on se retrouve avec une balade où l’on essaie de ménager le temps des patients. Elle ouvre clairement la porte à toutes sortes de situations pouvant mettre en danger la vie, la sécurité ou l’intégrité des patients, estime l’avocat. L’avocat de la santé Patrick Martin-Ménard juge inacceptable cette pratique de certains médecins. Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers Me Ménard rappelle que les patients insatisfaits peuvent porter plainte auprès du Collège des médecins. Dans certains cas, il peut également y avoir des poursuites en responsabilité civile si un médecin a commis une erreur qui a causé un préjudice au patient.

Surcharge et carences

Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, Dr. Marc-André Amyot, assure que cette pratique n’est pas la norme et rappelle qu’en contexte sans rendez-vous, le temps est limité. Si les médecins pouvaient passer plus de temps avec les patients, ils le feraient, mais le Québec manque encore de 1 000 médecins de famille, dit-il. Il ajoute qu’il souhaite toujours que chaque patient ait un médecin de famille, mais cet objectif n’est pas réaliste pour le moment. Pour y parvenir, il faut travailler à promouvoir la médecine familiale, car il y a 40 diplômés de moins cette année au Québec et 65 postes de formation ne sont pas pourvus, déplore-t-il, soit 65 médecins de moins en deux ans. Selon lui, les Québécois devraient aussi s’habituer à utiliser le guichet d’accès de première ligne (GAP) que le gouvernement a créé, qui permet aux patients d’être dirigés vers le service professionnel ou médical qui répond le mieux à leurs besoins. « Les médecins ne peuvent plus subvenir à tous les besoins de la population. S’il vous plaît, nous avons besoin d’aide et d’autres professionnels, thérapeute, infirmière, dentiste, peuvent répondre à certains besoins. Il faut changer le réflexe de la population et ne garder que ce qui nécessite l’expertise du médecin de famille. » — Une citation du Dr. Marc-André Amyot, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec Pour sa part, le Collège des médecins veille à ce que ce problème soit traité par le Collège, qui le considère comme un problème d’accès, car de plus en plus de patients souffrent de multiples conditions.

A lire et à écouter :