• À lire aussi : Vol de données chez Desjardins : accord de règlement de 200 M$ approuvé • À lire également : les escrocs voyous • Lire aussi : Quatre mois sans revenus après une fraude “Le hamster n’arrête pas de tourner depuis un an, j’ai à peine dormi la nuit dernière”, raconte David Lavoie, 22 ans. Le résident de Saint-Amable, en Montérégie, est épuisé de recevoir constamment des lettres d’avocats et des avis de recouvrement lui ordonnant de rembourser des dettes qu’il prétend ne pas avoir contractées. Il y a un an, ce constructeur de maisons a eu la mauvaise surprise d’apprendre que 21 demandes de cartes de crédit Visa Desjardins et de financement Accord D avaient été déposées à son nom en 7 jours pour un total de 40 000 $. Ces derniers mois, 11 cartes supplémentaires ont été délivrées. Lors d’une demande de financement Accord D, le montant est versé directement sur le compte courant du demandeur. Chaque demande est liée à un numéro de carte de crédit. “J’ai immédiatement dit à Desjardins que je n’avais pas fait de telles demandes”, se souvient David Lavoie. Cependant, il est déjà trop tard lorsqu’il s’en rend compte. L’argent avait été déposé sur son compte puis retiré en quelques jours. Une enquête pour fraude a été ouverte lorsque le fonds a été contacté. Au cours des semaines suivantes, le jeune homme a reçu 11 cartes de crédit à la maison, qu’il n’a pas activées. Début du cauchemar Au terme de son enquête, l’institution financière l’a reconnu responsable, car la personne qui a retiré ces sommes était en possession du mot de passe AccèsD, d’une carte d’accès et du NIP relié à son compte. Le fonds réclame 15 000 $. Sauf que David Lavoie affirme que son identité a été usurpée, ce que Desjardins ne reconnaît toujours pas même après des mois de controverse. « Lorsque j’ai appelé Desjardins pour accéder à mon compte, ils m’ont demandé mon numéro de mobile. Et là, on m’a dit “ce n’est pas le numéro que j’ai au dossier”. Je ne pouvais donc même pas me connecter à mon compte”, explique-t-il. Le jeune homme pense que quelqu’un d’autre se fait passer pour lui et a changé de numéro de téléphone. Une course pour sa cote En plus des sommes qu’il doit rembourser, David Lavoie s’inquiète surtout de voir sa cote de crédit se détériorer alors qu’il est bombardé de lettres de recouvrement. « J’ai atteint l’âge où je commence à vouloir une maison, mais maintenant, si ce n’est pas résolu, c’est impossible. Même les appartements demandent un rapport de solvabilité », souligne-t-il. Sa qualité de vie a déjà été affectée. “Est-ce que je vais rentrer chez moi et que quelqu’un m’attrape ?” se demande-t-il. Cette peur est si forte qu’il préfère coucher avec sa copine ou ses amis. Desjardins a refusé de commenter.

Chronologie d’une saga sans fin

30 AOÛT 2021

David Lavoie se rend à la Caisse Populaire Desjardins pour renouveler sa carte de débit perdue. Le caissier l’informe que 21 demandes de financement ont été faites sur son compte et que les fonds ont été retirés au cours de la semaine précédente. Il prétend qu’il n’est pas la source de ces demandes. Une enquête commence.

16 NOVEMBRE 2021

Il commence à recevoir des avis de non-paiement pour des cartes Visa Desjardins qu’il dit ne pas avoir demandées. L’enquête pour fraude est toujours en cours. Il n’est pas trop inquiet, mais demande à son grand-père de l’aider dans cette affaire.

24 NOVEMBRE 2021

Desjardins clôt son enquête et déclare David Lavoie coupable de complaisance dans la fraude de 37 000 $. Le fonds propose de verser au jeune homme 15 000 $ pour clore l’affaire.

27 NOVEMBRE 2021

Elle a déposé un rapport de vol d’identité auprès de la police de Richelieu-Saint-Laurent. L’affaire sera finalement classée quelques mois plus tard, en l’absence de suspect.

7 DÉCEMBRE 2021

Rencontre avec un avocat pour représenter David Lavoie alors que les lettres d’avis de retard de paiement commencent à s’accumuler.

ENTRE AVRIL 2022 ET JUILLET 2022

Plus d’une vingtaine de lettres d’avocats et d’agences de recouvrement sont envoyées par diverses entreprises à David Lavoie, lui ordonnant de rembourser des transactions effectuées avec des cartes de crédit qu’il n’a jamais vues. Au total, 32 cartes de crédit ont été émises à son nom à ce jour.

Les victimes de fraude ont été livrées à elles-mêmes

Un expert en cyberfraude affirme que les institutions bancaires doivent faire plus pour soutenir les victimes de fraude plutôt que de les blâmer. « Officiellement, ce devrait être à la banque de faire sa part. Ce n’est pas à quelqu’un qui se fait escroquer de prouver qu’il n’est pas le tricheur”, argumente Patrick Mathieu, co-fondateur du Hackfest, un groupe de hackers éthiques. Selon lui, il n’existe pas de structure adéquate pour accompagner les clients victimes de fraude et leur faciliter la vie. Un chemin de croix L’histoire de David Lavoie (voir texte ci-dessus) témoigne du chemin de croix que doivent parcourir certains clients pour reconnaître qu’ils sont les victimes et non les créateurs d’une fraude financière. Le jeune de 22 ans est persuadé qu’une personne a modifié ses informations personnelles et se croit ainsi victime d’un vol de compte. Le fraudeur aurait utilisé son nouveau compte pour faire des demandes de cartes de crédit Visa Desjardins et de financement Accord D afin de gagner près de 40 000 $. « Si un fraudeur a modifié ses coordonnées, souvent les banques vont tenter de lui en vouloir car ce sont eux qui, par exemple, ont perdu leur mot de passe. Mais la vraie erreur, c’est Desjardins », juge Patrick Mathieu. “Ils n’ont pas construit de système sécurisé et ils acceptent des mots de passe faciles”, poursuit-il. David Lavoie ne sait pas exactement comment une autre personne a pu accéder à son compte. Selon Patrick Mathieu, cette situation ressemble plus à un vol de compte, qui n’a rien à voir avec la violation de données Desjardins de 2019. Aucune coopération Depuis près d’un an, le jeune homme de Saint-Amable tente donc de convaincre l’institution financière qu’il n’est pas à l’origine de la fraude dont il est accusé. «Ils nous ont dit qu’ils étaient en mesure de prouver que David avait fait le commerce. On leur a donc demandé à quel guichet et à quelle heure elles avaient eu lieu. Ensuite, j’ai sorti ses feuilles de temps pour montrer qu’il n’était pas là, mais ils n’ont jamais voulu nous donner l’information », explique son grand-père Daniel Lavoie, qui épaule son petit-fils dans cette affaire. Pour Patrick Mathieu, cet exemple est un bon exemple des lacunes dans les procédures d’accompagnement des clients fraudés. Avez-vous des informations à partager avec nous sur cette histoire ? Vous avez un scoop qui pourrait intéresser nos lecteurs ? Écrivez-nous ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.